Du 8 juillet au 31 août, dans la salle d’exposition du Musée du verre de Blangy-sur-Bresle, se tiendra une exposition pour les 400 ans d’existence du verrier Pochet du Courval.
Je vous propose donc avec cet article de plonger dans une des innombrables petites histoires qui font la grande histoire de cette entreprise.
Dans cet article, je vous relate comment Julien Lasnier Maitre verrier de la verrerie de Varimpré a perdu tragiquement la vie en 1886 au Courval à l’âge de 58 ans.
Pour les amateurs de présage voir de fatalité, je vous invite a bien regardé le nom de jeune fille de son épouse.
Bonne lecture,
Julien Lasnier
Né le 23 mai 1828 (vendredi) – Pierrecourt (76)
Décédé le 09 mai 1886 au Courval
Commis verrier (1849) , exploitant de la verrerie de Varimpré (76), Maître verrier
Naissance – Pierrecourt (76) 23 mai 1828 Sources AD76 vue 8 actes 28
Parents : Pierre Louis Lasnier (cultivateur) et Marguerite Denise Leclercq (débitante de tabac)
Marié le mardi 23 octobre 1849 a Guerville avec Julie Honorine Brulé
Mariage avec Julie Honorine Brulé Guerville 76 le 23 octobre 1849 Sources AD76 vue 85 actes 26
Enfants : Eugene Arthur Lasnier 1851 / Paul Henri Eloi Lasnier 1855 / Mathilde Lasnier 1858 / Juliette Louise Pauline Lasnier 1870
Louée à M. Julien Lasnier depuis le 1er janvier 1865, elle produit aujourd’hui du verre blanc : éclairage, service de table, flacons à l’usage de la chimie, de la pharmacie et de la parfumerie, en un mot, tous les ouvrages variés, connus sous le nom de verroterie. Un seul four est en activité et fabrique pour plus de 22,000 fr. de produits par mois.
Le nombre d’ouvriers qu’occupe l’usine est de plus de cent ; le prix de leur salaire est le même que dans les autres verreries du canton de Blangy-sur-Bresle; ils sont logés dans l’établissement.
Au mois de septembre 1865, une société de prévoyance et de secours mutuels a été fondée entre les ouvriers de la verrerie de Varimpré. Elle réunissait, au mois de juin 1867, 8 membres honoraires et 122 participants ; le prix des cotisations mensuelles est aussi peu élevé que possible : 1 fr. pour les hommes, 75 cent. Pour les femmes et 25 cent. Pour les enfants.
Depuis que M. Lasnier exploite la verrerie, la bénédiction du four est remplacée par une messe à laquelle tous les ouvriers assistent dans la chapelle.
Ce maître de verrerie, qui a transformé en fabrique de verre blanc l’ancienne manufacture de Varimpré, si longtemps exploitée par MM. de Girancourt père et fils, a récemment ajouté à cet établissement une école pouvant contenir 25 à 30 personnes, dirigée par l’instituteur communal qui s’y rend deux fois la semaine ; il a en outre organisé, au mois de juin 1866, une fanfare composée de vingt musiciens qui se font remarquer autant par leur zèle que par leur aptitude.
Tous les quinze jours, une messe qui réunit le personnel entier de la verrerie, est célébrée par le curé de la paroisse dans la chapelle (1) reconstruite par Charles-David le Vaillant de Rainnemare.
Cet avantage dont tant de verreries sont privée, M. Lasnier le doit à la pieuse et généreuse initiative de M. et Mme de Girancourt.
(1) La chapelle, que Charles-David le Vaillant de Rainnemare a fait construire sous l’archiepiscopat de Mg de Saulx-Tavanes, dépouillée au moment de la révolution de 1789 et délaissée pendant 40 ans, a été restaurée et rendue au culte en 1830, par M. de Girancourt père. Cette chapelle est très-gentille; l’autel à colonnes cannelées et orné de sculptures, est d’un bel effet.
Les verreries de la Normandie, les gentilshommes & artistes verriers normands par O. Le Vaillant de la Fieffe
Par O. Le Vaillant · 1873
12 Mai 1886 – Journal de Rouen
Le Petit journal 13 mai 1886
Maquette du four Boétius, échelle 1/10 (bois, pierre et métal) Don de Monsieur Xavier Guignard directeur de la verrerie de Romesnil « Collection Musé du Verre de Blangy-sur-Bresle.
Acte de décès Julien Lasnier le 9 mai 1886 au Courval Source AD76 Cote 4 E 11752
VERRERIE du Courval. — Le 9 mai dernier, un affreux accident avait lieu dans la verrerie du Courval. Le feu avait pris dans un tisard. M. Lasnier maitre de verrerie de Varimpré se trouvait là comme expert, à l’occasion de la cession de l’établissement de M. Denin père à M. Félix Denin , son fils. Le bon et courageux M. Lasnier, cherchant dans la verrerie où était le principal foyer de l’incendie, fut englouti dans le tisard, dont le pavé céda sous ses pieds. Quelques jours après cet affreux malheur, plusieurs ouvriers, s’associant au désir de Mme Denin, demandèrent à M. Félix Denin qu’un christ soit placé dans l’intérieur de l’usine. Le vénérable curé de la Cathédrale était alors à Campneuseville en villégiature. Le samedi 8 mai, après le travail, M. l’Archiprêtre bénissait un christ à l’usine. L’empressement et l’attitude des ouvriers furent des plus édifiants. Tous vinrent prendre chez le patron la croix, qui fut portée solennellement dans l’usine. Ce christ toutefois n’était que provisoire.
La partie de l’usine incendiée fut reconstruite pour remplacer une vieille halle de verrerie, et dimanche dernier, 23 janvier, M. et Mme Félix Denin avaient invité leurs cent cinquante ouvriers à assister avec eux à la Messe. Personne n’a manqué au rendez-vous. À midi et demi, ils se rendirent à l’usine. À l’entrée de l’usine, un appartement avait été décoré pour recevoir un magnifique christ d’un mètre posé sur une croix de 2 m. 70. Six ouvriers verriers choisis par leurs camarades vinrent prendre sur leurs épaules ce noble fardeau. La fanfare de l’établissement entonna une marche religieuse, et on se dirigea vers la verrerie. Après que la croix eût reçu la bénédiction du prêtre, tous vinrent respectueusement la baiser, pendant qu’un chœur de vingt-cinq à trente apprentis verriers chantait les versets du cantique Vive Jésus ! Vive sa croix ! Les ouvriers répétaient avec autant de cœur que d’entrain : verriers, chantons à haute voix : vives Jésus ! Vive sa croix ! Qu’il était beau d’entendre ces braves gens glorifier avec tant d’Âme la croix du dieu sauveur ! Et combien cette solennité, dans cette usine, devant cette assemblée d’hommes accoutumés aux plus rudes labeurs, était touchante et imposante à la fois ! Ces dignes travailleurs, que le dieu du Calvaire à contempler avec un regard de prédilection, avait voulu participer par une souscription unanime à l’érection de cette croix. Un magnifique marbre noir a été placé au-dessous de la croix, entre les deux fours. On y lit en lettres d’or : O Dieu, regarde : la face de votre Christ, et protégez cette usine. — Don des ouvriers de l’usine, 1887. — On procéda ensuite à la bénédiction de la partie de l’usine nouvellement reconstruite et d’un four neuf.
Après cette cérémonie, un banquet de 180 couverts réunissait les ouvriers. M. et Mme Félix Denin étaient au milieu d’eux. C’est là un bel exemple pour les patrons et les ouvriers qui ne doit pas passer inaperçu et que nous aimons à consigner dans les annales religieuses diocésaines.
La Semaine religieuse du diocèse de Rouen 29 janvier 1887
Courval verrerie du haut-Croix Julien Lasnier
Arr. de Neufchâtel. — On nous écrit de Hodeng-au-Bose :
« En 1886, une croix fut érigée dans la halle de la verrerie du Courval, à la suite de l’accident où M. Lasnier de Varimpré, trouva une mort affreuse. Et depuis lors, le Christ présidait aux travaux d’une partie des ouvriers.
« Mais ceux qui travaillent dans les autres halles, jaloux de leurs camarades, demandèrent, au commencement de cette année, qu’une croix fût également placée dans leurs ateliers.
« M. Denin, directeur de l’usine, heureux de ces bons sentiments, promit de faire droit à leur requête. Et c’est pour répondre à la demande de ces ouvriers, aussi honnêtes travailleurs que chrétiens courageux, que, le jeudi saint, après la journée de travail, deux magnifiques Christ en croix furent placés dans les deux autres halles.
« Douze ouvriers, désignés par leurs camarades, chargèrent les croix sur leurs épaules fatiguées, et, fiers de leur pesant fardeau, les portèrent à destination.
« Dans une courte allocution, religieusement écoutée, M. le Curé développa cette pensée : la place de la croix est partout, mais principalement là où l’on souffre.
« Après la cérémonie, tous les ouvriers, au nombre de plus de deux cents, se réunirent dans la halle principale, où des tables avaient été dressées, et une collation leur fut servie.
« La croix honorée et aimée porte dans ses bras la solution de la question sociale. Les ouvriers du Courval paraissent l’avoir compris. Puissent-ils ne jamais l’oublier et trouver de nombreux imitateurs ! »
La Semaine religieuse du diocèse de Rouen 19 avril 1890
Chapelle Famille J.Lasnier (Callengeville)
Remerciement
Musée du verre de Blangy-sur-Bresle
Mr Pierre Boutte