Le colonel Fred Burnaby en ballon a Envermeu

Colonel Frederick Gustavus Burnaby

 

Le colonel Frederick Gustavus Burnaby (Bedford, 3 mars 1842 – Abu Klea, 17 janvier 1885 (à 42 ans)) est un officier de renseignement de l’armée britannique. Son goût pour l’aventure, ses exploits à l’avant-garde de son temps et son courage flamboyant ont laissé des traces profondes dans l’esprit des propagandistes de l’idéal impérialiste de l’époque victorienne. Pendant sa courte carrière, il voyage en Europe et en Asie centrale (où il est l’un des acteurs du Grand Jeu). Il se présente à deux reprises aux élections législatives et publie plusieurs livres. Personnalité londonienne très en vue, sa popularité est fort étendue comme le prouvent ses nombreuses mentions dans plusieurs histoires et récits de l’empire britannique. Adepte des ascensions en ballon, il parlait couramment plusieurs langues étrangères.

 

Le 23 mars 1882 le colonel Fred Burnaby, de la Garde royale à cheval, membre de la Société aéronautique britannique, est réveillé par son serviteur « Monsieur le vent et dans la bonne direction, j’ai été sur la jetée tous les garde-côtes disent que le vent vient du Nord et qu’il s’est considérablement calmé depuis la nuit les coques aussi. Tous dans la bonne direction »

à son arrivée sur les lieux des opérations le ballon était étendu sur un terrain, il avait plu quand le ballon a été déballé le gel de la nuit avait gelé une partie de l’eau, après une vérification de l’enveloppe du ballon un homme cria « pas de mal, doit-on commencer à remplir ? » Fred Burnaby répondit aussitôt « oui et tout de suite »

peu à peu le ballon appelé « éclipse » se remplit les rayons du soleil matinal se levant à l’est brillé sur les bandes rouges et jaunes de soie et de calicots bien vernis dont le ballon était formé.

La nacelle un panier d’environ cinq pieds de long trois pieds de large et de la même hauteur étaient attachés au filet 20 bras forts et volontaires tenaient fermement les côtés du ballon les sacs de sable qui entourait l’aérostat ont été décrochés et placés dans la nacelle le départ était imminent.

Fred Burnaby portait une vareuse à rayures et un petit bonnet bien ajusté comme seul bagage il emporta deux sandwichs au bœuf une bouteille d’eau minérale, un baromètre, un thermomètre, une boussole et une provision de cigares.

Le ballon commença à prendre son envol, mais rapidement il se dirigea dangereusement vers la grande cheminée de l’usine à gaz de Douvres,Fred Burnaby de sacs de ballast à la main en jeta un sur le toit de l’usine ce qui permit aux ballons de reprendre de l’altitude et d’éviter de justesse la cheminée.

Après 15 minutes de vol, les rayons du soleil étaient tellement chauds qu’il glissa son mouchoir sous son bonnet pour protéger sa nuque, derrière lui on pouvait apercevoir la côte sur des kilomètres et sur la mer ce qui semblait être des petites tâches n’était qu’en réalité des bateaux de pêche.

À 11h15 Fred Burnaby distingue au loin une plage de sable, la brume qui se dissipe laisse entrevoir Boulogne son port et ses maisons.

C’est à ce moment que le ballon commença à perdre de l’altitude, pour enrayer cette descente il décida de jeter un nouveau sac de ballast, mais rien n’y fait le ballon était à 500 pieds de la Manche il jeta quatre autres sacs dans la mer est très lentement le ballon repris de l’altitude jusqu’à 1500 pieds, mais le vent avait tourné éloignant progressivement le ballon des côtes françaises il fallait réfléchir et trouver une solution, deux bateaux de pêche avaient rejoint la position du ballon leur équipage faisant signe à Fred Burnaby de descendre dans l’eau et qu’ils allaient le récupérer, comme réponse il leur lança un numéro du Times.

Les deux bateaux sont restés sous le ballon à peu près un quart d’heure et voyant qu’il ne montrait aucun signe de descente ils décidèrent de partir.

Une fois les bateaux hors de vue Fred Burnaby se demanda s’il n’aurait pas été plus simple de céder à la tentation, pour prendre le temps de réfléchir à la situation il décida d’allumer un cigare choses très recommandé quand on sait que l’enveloppe du ballon au-dessus de sa tête est remplie de gaz.

Il décida de jouer le tout pour le tout passant par-dessus bord pratiquement la totalité du ballast ne gardant que trois sacs dans la nacelle, le ballon prit aussitôt de l’altitude monta jusqu’à 10 000 pieds, il se déplaçait à une vitesse considérable et à sa grande satisfaction en direction de la France Dieppe était en vue.

La tentation fut grande de faire descendre le ballon en atteignant les côtes françaises,mais la nature capricieuse du vent aurait pu ramener le ballon vers la mer il fallait mieux rester quelque temps dans les airs avant de descendre.

Après quelques minutes de vol tout content d’avoir traversé la Manche Fred Burnaby perdue dans ses pensées n’était pas suffisamment concentré sur la gestion du ballon, en se retournant il vit qu’il n’était plus qu’à 20 pieds du sommet d’une colline et avant qu’il puisse faire le moindre geste la nacelle heurta violemment le sol et le ballon rebondit à une hauteur de 100 pieds.

Pour reprendre un peu d’altitude il dépensa un petit lest la moitié de son dernier sac ce qui le fut remonté à environ 1000 pieds, mais ne voulant pas monter plus haut il tira sur la corde de la valve, après quelques instants il fut en vue d’une vallée où il envisagea de descendre un peu plus loin il y avait un champ labouré ce sera un endroit doux pour atterrir.

À moins de 80 pieds du sol il jeta le reste de son lest avec le grappin, l’encre avait du mal à prendre prise dans les sillons, le ballon faisait une série de sauts dans les airs, il continua à tirer la corde de valve tandis que le grappin trouvé prise le ballon finit par se poser sur le sol.

Le Ballon venait de ce posé non loin d’Envermeu.

Déjà plusieurs paysans des villages alentour se tenaient autour de la nacelle, Fred Burnaby était occupé à sécuriser le ballon il fallait fixer un instrument sur le mécanisme qui maintiendrait les obturateurs de la soupape ouvert pendant qu’il faisait ce temps un paysan poussé par la curiosité mit sa tête dans le ballon à travers l’ouverture il recula aussitôt il avait inhalé du gaz cela a rendu les autres plus prudents qui ne se sont pas approchés plus près.

Ils étaient tous très polis et serviables de tous ces nombreuses descentes faites en différents endroits d’Angleterre Fred Burnaby n’avait jamais rencontré autant de gentillesse et de courtoisie, les ouvriers détachèrent la nacelle du filet et l’aida à enrouler le ballon et à le déposer en toute sécurité dans la nacelle.

Un grand enthousiasme régnait parmi eux aucun ballon n’était jamais descendu ici auparavant -quoi Monsieur est venu d’Angleterre! cria un vieil homme.

Tout le monde était heureux d’avoir pu assister à ce spectacle, mais dans l’assistance des voix s’élevaient on disait que le docteur le grand philosophe du lieu serait misérable de n’avoir pas été présent et que direz Jean le riche Boucher qui possédait environ 200 hectares de terrain ils avaient tout de rater cette occasion.

Un homme d’âge moyen paru et demanda respectueusement si le Monsieur qui venait de descendre des nuages prendrait ses quartiers pour la nuit Monsieur Varrall le propriétaire du château de Montigny était loin de la maison, mais lui était le fermier qui louait une partie des terres de Monsieur Varrall, Fred Burnaby hésitait à accepter l’hospitalité que diront Jean le Boucher ou le docteur si il acceptait ?

Le fermier avait un visage joyeux il dit qu’il avait déjà fait venir une charrette pour porter le ballon chez lui donc au risque d’encourir la colère de Monsieur le médecin et du boucher Fred Burnaby accepta son offre, maintenant que l’affaire était conclue le fermier prit un air d’autorité et veilla à la distribution de l’argent anglais que Fred Burnaby avait donné pour les services rendus.

Une longue charrette étroite tirée par un solide cheval gris apparut maintenant on n’y plaça la nacelle sur le véhicule qui était un peu étroit, une demi-heure après Fred Burnaby se trouvait assis près d’un grand feu de bois dans la cuisine de son hôte, Monsieur Barthélémy Delanray son épouse était en train de préparer pour lui un délicieux repas le menu du soir sera composé d’une omelette aux oignons accompagnés de quelques pigeons aux châtaignes et aux légumes suivis d’un fromage de Neuchâtel. Retour entretemps le fermier avait sorti une bouteille de Bordeaux et une cruche de cidre, après cet excellent repas une tasse de café fut servie par l’hôtesse Fred Burnaby sentit qu’il était tombé dans de bons quartiers et qu’une descente en ballon en Normandie était préférable à une descente en Essex.

Du monde se fit entendre à la porte de la ferme, Fred Burnaby tranquillement installé devant la cheminée à fumer un cigare se fit présenter Jean le Boucher le docteur ainsi que le chef Macon du village ils étaient venus rendre hommage au Monsieur descendu des nuages le visage du fermier s’allongea il ne s’était pas attendu à cet ajout au cercle familial.

Le docteur sortit du dessous de son manteau une bouteille de champagne qu’il avait apporté avec lui pour fêter l’aéronaute anglais, des chaises furent apportées autour du feu et Fred Burnaby fut obligé pour la quatrième fois de récapituler les évènements de son voyage.

Le lendemain matin Monsieur Barthélémy Delanray accompagna Fred Burnaby à Dieppe ou après quelques au revoir il fit la promesse d’honorer à nouveau un jour la maison de son hôte.

 

A Ride Across the Channel: And Other Adventures in the Air

 

L’Indépendant de la charente-inférieure 28 mars 1882

 

Le Siècle 25 mars 1882

 

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