Le Centenaire d’Edgar Renoux

Avec l’aimable autorisation de Madame eliane Lachaize sans qui cette article n’aurais jamais vue le jour,grand merci

 

Edgar Renoux

17 mars 1906
Edgar voit le jour à Campneuseville (Haute-Normandie), fils de Louis-Valère, sabotier, et petit-fils de Louis-Chéri, tailleur de verre. Son enfance est bercée par les secrets du verre et les difficultés inhérentes à ce métier très dur » pire que la mine, l’enfer », disait-on à l’époque .. ! 40° degrés dans les ateliers où les enfants travaillent à partir de 8/10 ans dans des conditions abominables.
3 Août 1914

 

Valère Renoux, père d’Edgar 1880/1918

 

Mobilisation générale : guerre contre l’Allemagne, son père part au front, vers l’enfer !
16 juin 1918

 

Edgar fait sa communion solennelle
14 Octobre 1918

 

Blessé gravement en 1918, affaibli par les conditions difficiles rencontrées pendant ces années de guerre, Louis-Valère, le père d’Edgar, attrape ce que l’on appelait la grippe espagnole. Il décède quelques jours avant la signature de l’armistice à l’hôpital militaire de Coincy dans l’Aisne.
1919

 

L’absence du père est difficile, mais la vie continue, les mois passent. Sa mère ne supporte plus la sollicitude des voisins, ni cette maison qui lui rappelle tant de souvenirs heureux. Ils quittent Campneuseville pour tenter d’oublier et tourner enfin la page.
1920

 

Dès sa 14ème année, Edgar découvre divers « petits boulots » : apprenti dans un garage, puis dans une fabrique de moules pour la verrerie à Blangy qu’il doit terminer à la lime afin qu’il ne reste aucune aspérité susceptible de créer des imperfections dans les flacons. Mais, il rêve d’avoir enfin un vrai métier.
A l’époque, on travaillait plus de 50 heures, du lundi au samedi, cela laissait peu de temps aux loisirs pour s’occuper du reste : amitiés, amour …!
1923

 

Retour de la famille à Campneuseville
1925

 

Il apprendra le métier de charron : une roue, ça paraît simple, mais c’est loin de l’être ! C’est le royaume des fausses équerres, des biais savants permettant une grande puissance de résistance pour amortir les mouvements des bêtes qui ne sont pas réguliers, imprimant à la charrette des chocs latéraux qui doivent être compensés.
Les pierres des routes, car elles ne sont pas asphaltées comme maintenant, font tressauter les attelages. Le poids des chargements, parfois énorme, les mettent à rude épreuve.
mars 1926

 

A 20 ans, Edgar est appelé au service militaire. Il sera artilleur comme son père au 51ème régiment à la caserne de Beauvais. Il sort sergent-chef, mais en piteux état, car les soldats sont mal nourris.
1927

 

Denise, l’épouse d’Edgar

 

Edgar rencontre Denise à plusieurs reprises dans les bals du secteur.
Il la remarque car elle est une des premières jeunes femmes à se couper les cheveux, d’ailleurs c’est une spécialiste puisqu’elle est coiffeuse. Elle a perdu son père en 1916, alors qu’il n’avait que 29 ans, cela les rapprochera. Son oncle et tuteur étant abbé, elle a été élevée en institution religieuse.
1928

 

Pendant l’été, Denise fait un stage à l’Ecole Chaumier, prestigieuse maison de coiffure parisienne. Elle y apprend les techniques de coupes pour dames et de mise en plis sur cheveux courts. Une révolution ! Mais c’est au bal des catherinettes, en novembre, qu’ils eurent vraiment le coup de foudre.
janvier 1929

 

1929 mariage d’Edgar et Denise

 

C’est dans le coeur de l’église de Pierrecourt où son oncle, l’Abbé Colboc est prêtre, qu’ils se marient. Le repas de noce a lieu dans un restaurant de Blangy et ils partent en voyage de noce, une dizaine de jours à Caule.
Edgar installe son atelier avec les fonds fournis par l’abbé Colboc. Enfin, il profite de la liquidation d’une entreprise de Guerville pour acquérir son outillage et complète l’installation par l’achat d’une petite forge.
Mais en 1929, le métier de charron est déjà en voie de disparition, car l’automobile allait vite se généraliser, plongeant le charron dans l’oubli, comme d’ailleurs le tonnelier ou le charretier.
Edgar devra se diversifier et toucher un peu à tout. Il lui arrivera même de fabriquer des tonneaux ou des cercueils !
7 novembre 1929

 

2006- Edgar et son fils Jean

 

Naissance de Jean son fils aîné.
1930

 

Les conséquences du crash aux Etats-Unis se font sentir en France, la vie est devenue plus dure. Toutefois, Denise n’a pas les pieds dans le même sabot, mais dans les mains ciseaux et fer à friser.
Son métier de coiffeuse lui permet d’équilibrer le budget familial avec des revenus complémentaires. L’ancien atelier de sabotier du père se transforme en salon de coiffure. Elle passe des barbes et cheveux clairsemés des messieurs aux chignons compliqués des dames, d’ailleurs bientôt remplacés par les premières coupes à « la garçonne », malgré les réactions indignées de la population du village ébahie.
1932

 

L’électricité arrive, enfin, à Campneuseville, ce qui permet d’améliorer la technique des cheveux ondulés ou frisottés, vive les bigoudis !
1934

 

françoise enfant, fille d’Edgarr
Pour compléter le bonheur du couple, arrivée d’une jolie petite soeur, Françoise.
1936

 

Le Front Populaire, les grèves successives, désorganisent la vie économique. Dans les campagnes, c’est le déclin d’un grand nombre d’artisans. Il faut se débrouiller avec les moyens du bord.
Septembre 1939

 

Mobilisation générale : Edgar est rappelé sous les drapeaux en sa qualité de sous-off. Cela le rend soucieux car il a, à peu près, le même âge que son père lors de la guerre de 1914. L’histoire se répète…. Il est affecté au ferrage des chevaux.
Rapidement, il paraît évident que la France n’est pas prête pour faire la guerre. Les armes n’ont guère été améliorées depuis le dernier conflit. Par contre, les Allemands, depuis dix ans, ont orienté leur industrie vers l’effort de guerre. Aussi, une fois la fameuse ligne Maginot contournée, l’armée française ne peut rien faire pour défendre le territoire. Ce n’est plus l’heure « d’essayer le matériel », comme l’ordonne les gradés dépassés par les événements.
Mai 1940

 

A Campneuseville, comme dans tous les villages de la région, les habitants abasourdis voient passer, en ce printemps ensoleillé, des soldats harassés qui tentent, sans directives précises et dans la plus grande confusion, de rejoindre leur cantonnement.
12 mai 1940

 

Dans l’estuaire de l’Escaut, près d’Anvers, les soldats français attendent toujours des ordres qui ne viennent pas. Ils s’abritent comme ils peuvent dans les wagons anglais abandonnés, sous le feu et la mitraille des tirs des avions allemands. Une vraie pagaille où, à chaque instant, la vie peut basculer.
Edgar reçoit enfin l’ordre de transférer, en camions, les meilleurs chevaux à la gare de Lille. C’est là qu’il est capturé par les Allemands avec nombre de ses camarades.
Ils sont emmenés, à pied, à travers la Belgique, puis à la frontière allemande, entassés à 40 dans des wagons à bestiaux.
Ils débarquent, affamés et sonnés, quelques jours plus tard en Allemagne du Nord, dans un pays de dunes où des tentes sont dressées pour les abriter du vent. Drôle de guerre, étrange défaite… !
Juin 1940

 

C’est un de ces fameux stalags. La nourriture est rare et les prisonniers dorment dans des couvertures remplies de poux. Au bout d’une semaine de ce régime, ils commencent à s’inquiéter sur leur capacité à survivre dans de telles conditions.
En France, les nouvelles ne sont pas bonnes, les militaires subissent des revers successifs les obligeant à se replier sans cesse vers des positions plus au sud. C’est l’effondrement militaire suivi de la capitulation !
Les envahisseurs Allemands arrivent bientôt à Campneuseville, s’installant dans les plus belles maisons du bourg. Chaque village aura sa « Kommandantur ». C’est l’occupation.
Juillet 1940

 

Edgar se porte volontaire et se retrouve en Westphalie à faire la moisson, à couper des pins dans la forêt. Il va y rencontrer des artisans, tel ce charron possédant un atelier bien outillé.
Il sera mieux traité et l’un deux le prend même en amitié. C’est là qu’il fait connaissance avec les abeilles et les ruches. Il sera initié au métier d’apiculteur, car le fermier veut développer sa production de miel, en ces temps difficiles où toutes les denrées sont rationnées.
1943

 

En forêt d’Eu, en Haute-Normandie, les Allemands se mettent à construire, dans le plus grand secret, de curieuses rampes de béton armé pour expédier sur Londres leurs V 1 chargés de tonnes d’explosifs, avec lesquels ils espèrent détruire complètement la capitale anglaise.
Or, non seulement, ils n’arrivent pas à raser Londres, mais nombre de V 1 tombent sur les maisons, les fermes, l’église du village ou dans les champs normands. C’est la panique ..!
1945

 

Après cinq longues années passées loin des siens, qui lui paraissent une éternité, Edgar est enfin libéré. Les souffrances, il les a connues, même si les soldats en 1940 ne se sont pas battus de la même manière que ceux de 1914/1918. Edgar rentre à Campneuseville inquiet. Qu’allait-il trouver ?
Il a déjà 40 ans et est conscient que ce conflit a été une guerre de mouvements, contrairement à la précédente, que ce soit sur terre avec les chars et les voitures, ou en mer avec les sous-marins et enfin, dans l’air, avec l’aviation. Le monde change, il s’industrialise de plus en plus vite…
Il a entendu parler des très nombreux bombardements en Normandie, à cause du débarquement Allié en 1944, qui auraient ravagé les villes et les bourgs. Aussi, c’est avec bonheur et émotion qu’il retrouve son village à peu près intact, sa maison, sa famille, ses deux enfants devenus grands.
Il reprend son métier de charron et doit réparer de vieilles charrettes en attendant, avec angoisse, que le paysan achète un tracteur et une voiture. L’époque des chevaux est définitivement révolue.
1946

 

Alain, fils d’Edgar

 

La famille se complète avec la naissance d’un petit garçon prénommé Alain.
Peu à peu, le charron devient menuisier-charpentier, car il faut se remettre à l’ouvrage et vite.
En réalité, l’après-guerre est difficile, c’est le temps des restrictions.
Edgar n’est pas riche, il doit accomplir toutes sortes de travaux. Il passe son permis de conduire, achète une Torpédo-Renault, qu’il aménage en camionnette pour faciliter ses déplacements. Il a plaisir à travailler le bois et se mettra à fabriquer des charpentes, escaliers, fenêtres, volets, huisseries, pupitres d’écolier et deviendra polyvalent. Il va assurer, aussi, de gros chantiers comme les réparations au Château de Guerville, ancienne propriété de la soeur de Louis XIV.
Toutes sortes d’artisans vont disparaître des campagnes : le bourrelier, le vannier, les vachers, les bergers. Il faut s’adapter de gré ou de force pour survivre.
1947

 

C’est l’après-guerre et les prisonniers sont enfin revenus. Ils reprennent tant bien que mal leur vie de famille. Ils ont plaisir à se retrouver dans les associations d’anciens combattants, parlant d’une époque qu’ils n’arrivent pas à oublier.
Les maîtres d’école étant de retour, les enfants retrouvent le chemin de l’école et la kermesse, comme la distribution des prix, donne l’occasion de se réjouir. Le football retrouve ses supporters, la fanfare municipale ses musiciens. On fête dignement la Sainte-Catherine et la Sainte-Barbe, lors de mémorables banquets qui se terminent toujours à l’aube, avec la soupe à l’oignon.
1950

 

Les années sombres sont terminées, on va pouvoir recommencer à vivre normalement. Des orchestres voient le jour : les bals rouvrent, les valseurs tournent des nuits entières. Luis Mariano et Tino Rossi font rêver les midinettes, Edith Piaf reçoit un énorme triomphe. On n’a pas le temps de s’ennuyer.
1960

 

Les fêtes ont repris, telle la joyeuse fête du cidre avec son défilé de chars décorés de milliers de fleurs et de pommes.
1961

 

Lorsque son activité de charpentier est à peu près stabilisée, Edgar se mettra à l’apiculture, ce savoir qu’il a appris en Allemagne. Mais ses abeilles vivotent sans résultat spectaculaire.
1980

 

C’est la retraite, alors il met tout son coeur et son énergie à soigner ses abeilles et réinstaller ses ruches. Il fait l’acquisition d’une douzaine de ruches et cherche le meilleur endroit pour les y placer. Ses abeilles ont besoin du pissenlit, du trèfle blanc, de la floraison des épines, de celles des pruniers, des merisiers ou des tilleuls. Les coquelicots, le colza, les plantes fourragères parfumeront la seconde récolte de miel.
1991

 

Un drame, le décès de son fils Alain.
1996

 

Edgar a 90 ans, ses petits-enfants lui offrent un livre « la route du miel ». A lire les conclusions des scientifiques, qui se contredisent, les abeilles posent toujours problème !
Les Noëls se succèdent toujours autour de repas gourmands, mais désormais les années passent de plus en plus vite.
21 mars 2006

 

repas du centenaire à Campneuseville – mars 2006

 

  le centenaire d’Edgar
Dans la joie et la bonne humeur, Edgar fête ses 100 ans, entouré des siens et des habitants du village réunis dans la salle des fêtes.
La municipalité a bien fait les choses, car ce fut l’occasion d’une exposition sur la vie économique du canton.
La salle polyvalente s’est transformée en éco-musée et nombre d’objets, de photographies, d’outils, ont pris place sur des stands, évoquant ainsi les cents dernières années passées. Comme le monde a changé !
Edgar, toujours bon pied-bon oeil, est arrivé en vieille voiture et le héros du jour fut accueilli par les sonneurs de Monchy-le-Preux, qui lui firent une haie d’honneur au son des cors de chasse. Des visiteurs, en costume d’époque, accueillaient les nombreux invités, les amis, les habitants et les enfants du village.
Puis, il y eu le verre de l’amitié, le champagne, la distribution de pain d’épice « fait-maison » grâce au miel et aux ruches d’Edgar, offert par les apiculteurs de Haute-Normandie. Le soir, un somptueux banquet réunissait amis, famille, cousins, le tout clôturé par un énorme gâteau.
Evidemment, il a vu disparaître bien des parents chers, des amis, et la maladie de Denise lui paraît bien lourde à porter parfois. Par contre, ce jour-là, il a enfin fait connaissance avec « ses petits cousins » ayant quelques ascendants communs originaires de Campneuseville, trouvés grâce aux recherches généalogiques effectuées par certains.
Chacun peut admirer et remonter « l’arbre » exposé sur un joli panneau, alors que d’autres plongent sur l’ordinateur portable afin de découvrir les nombreuses « branches » et les générations multiples remontant jusqu’au début du 17ème siècle. En cherchant bien, toutes les vieilles familles du village, verriers pour certains, sont devenues cousines.
Une très grande réussite cette journée, un moment exceptionnel.
Bien plus que l’évocation de ce passé, c’est la biographie d’Edgar « cent ans au pays des verriers », un livre de 220 pages, qui attire l’attention, car la vente est destinée à soutenir la recherche sur la maladie d’Alzheimer dont souffre Denise.
2008

 

BON ANNIVERSAIRE EDGAR : 102 ans !
Où est le temps où l’on puisait l’eau au puits, où il n’y avait pas, non plus, d’électricité mais des lampes à pétrole. Il fallait couper le bois pour se chauffer et le seul moyen de transport était la marche à pied. La vie des ouvriers était si dure qu’elle se terminait brutalement dès la retraite prise, et les femmes mourraient trop souvent en couches et leurs enfants aussi, sans avoir eu le temps de profiter de la vie.
Edgar peut apprécier, mieux que quiconque, la lumière qui jaillit lorsqu’on appuie sur un bouton, l’eau au robinet, le chauffage automatique dans les maisons, les super-marchés qui regorgent de produits et de victuailles, les voitures, la télévision, le lave-linge, le réfrigérateur, le téléphone… tout ce qui nous paraît désormais essentiel à la vie.
6 septembre 2008

 

décès d’Edgar. Il est inhumé à Campneuseville dans le petit village où il a élevé ses enfants.

 

généalogie RENOUX/DERCOURT voir site « http://gw.geneanet.org/elianepignard »
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