La verrerie du Courval a vu le jour voilà près de 400 ans et est née de deux histoires d’entreprises qui se rejoignent.
En 1623, François Le Vaillant, sieur du Courval, Ecuyer, passe un contrat avec la Comtesse d’Eu, veuve du Balafré, le Duc de Guise. Elle lui octroie la permission de construire une verrerie sur trois âcres de terre en basse forêt d’Eu, contre revenus fixes (achat de bois de ses terres), au lieu-dit « le Courval », dans la vallée de la Bresle, à la frontière picarde et normande, aux confins des actuels départements de la Somme et de la Seine-Maritime, entre Amiens et Dieppe.
La région est de tradition verrière depuis l’invasion romaine. Ces derniers avaient importé ce savoir-faire d’Orient et implanté les fabriques sur cette terre très boisée. La création du verre s’obtient par le feu et nécessite un combustible.
François Le Vaillant se consacre essentiellement à la production de verre plat destiné à remplacer, dans les demeures de ceux qui en avaient les moyens, la toile enduite ou le papier huilé qui, posé sur les fenêtres, tentait de protéger les habitants du froid tout en laissant entrer la lumière.
Le sieur André de Monchy, Chevalier, marquis de Sénarpont, se verra renouveler le privilège accordé au Sieur Le Vaillant, par la Grande Mademoiselle, Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, comtesse d’Eu.
Louis XIV a succédé à Louis XIII.
Avec l’apparition des cannes à souffler le verre, faites de bronze ou de fer, on permettait, grâce au soufflage, d’étirer la pâte de verre au maximum. On profitait ainsi pleinement de sa plasticité et on donnait à la matière une transparence qu’aucun autre matériau n’était en mesure d’offrir.
Dès 1662, différentes sources font état de fabrication de cristal à Courval. A l’époque, il s’agissait d’un verre de meilleure qualité, plus pur et plus blanc. Le droit d’en produire était très convoité. Le système des brevets et privilèges professionnels, accordés par le Roi, en limite la production aux verreries qui en sont explicitement autorisées.
Un siècle après la création de la verrerie, la maison s’associe à un faïencier, Pierre Deroche, du quartier Saint Eustache de Paris.
Jusqu’à la Révolution, les verriers sont des nobles et soufflent eux-mêmes le verre. Pourquoi mettent-ils ainsi « la main à la pâte » ?
En effet, les gentilshommes peuvent travailler le verre sans déroger à leur noblesse. L’origine de ce privilège reste assez mystérieuse. Peut-être est-ce parce que le travail est plaisant et valorisant. Et puis, le marché du verre est essentiellement destiné à l’aristocratie, c’est un secteur prestigieux. D’autant plus prestigieux pour la verrerie du Courval qu’elle se dirigera vers la fabrication de flacons de parfum …
Oui, mais plus tard… En effet, dans un premier temps, Le Courval fabrique surtout des vitres pour les maisons et des flacons de toutes sortes.
Après un désaccord, la verrerie de Courval travaillera, à nouveau, le cristal au cours du 18ème siècle tout en continuant le verre plat. Il semble toutefois que cette production de verre plat n’ait pas donné les résultats attendus, car Le Courval abandonne la « grosse verrerie » pour se consacrer à la production de flacons, bouteilles, gobelets, verroterie, notamment les perles de verre coloré.
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La fabrique réussit ensuite à sortir indemne de la Révolution française grâce à son rachat en 1774 par un notaire roturier. Un autre dirigeant de la maison parisienne a eu un trait de génie : il abandonne la faïence pour se consacrer à l’achat de porcelaine et à la décoration des flacons. Il les peint selon les modes du jour. Cette idée lui assure des commandes venant d’une clientèle très aisée.
L’entreprise ne s’est, en fait, jamais éloignée du marché du luxe. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle a été sollicitée, par la suite, par les parfumeurs.
C’était quand ?
L’un des tous premiers flacons de parfum est signé Guerlain « l’eau de Cologne impériale », il est destinée à l’impératrice Eugénie. Mais il n’est pas produit en quantité industrielle. Il faut attendre le début de XXème siècle pour voir éclore son expansion.
A l’époque, les bourgeoises rechignent à faire remplir leur flacon chez le parfumeur. L’idée de transvaser leur paraît mesquine. Le flacon de parfum naît alors, même si quelques créations, comme Lalique et Baccarat, perpétuent la fabrication du flacon à parfum.
Et la haute couture s’en empare….
Coco Chanel est la première à griffer un parfum. Auparavant, depuis le XVIème siècle, les parfumeurs étaient plutôt liés aux gantiers. L’hygiène de l’époque voulait qu’on se parfume les mains… pour masquer les mauvaises odeurs !
De siècle en siècle, cette verrerie a traversé le temps et s’est adaptée à son environnement. Elle est devenue une des grandes sociétés françaises de fabrication de flacons de parfums.
(1)extrait du très beau livre « les Maîtres du verre et du feu », éditions Perrin.
« les arts-du-feu en Normandie » de Bruno Garraud