La conjuration menée par Georges Cadoudal (1)

Une contre-révolution diffuse en pays de caux

Au cours des prochains mois, Jérôme Maes nous propose de suivre à l’échelle de notre région la conjuration menée par Georges Cadoudal, généralissime de l’Armée catholique et royale de Bretagne, et l’implication des acteurs locaux de ce complot.

En mai 1804, incarcéré à la prison du Temple, Georges Cadoudal (1771-1804) assiste au triomphe de Napoléon Bonaparte proclamé Empereur à propos duquel il ironise, selon la phrase désormais célèbre : « Je voulais donner un Roi à la France et je lui ai donné un Empereur ! ». Depuis dix années, depuis les terribles guerres de Vendée, Georges Cadoudal, généralissime de l’Armée catholique et royale de Bretagne, ne poursuit qu’un seul objectif : ranimer la monarchie et le Royaume de France. Absolument, rien ne l’a détourné de cette mission : ni les souffrances endurées par sa famille, ni les soumissions forcées, ni la mort de ses plus loyaux et fidèles officiers … Sa détermination n’a pas été ébranlée et reste intacte. Son neveu Louis-Georges de Cadoudal (1823-1885) lui a consacré de longues pages : au cours de l’été de l’année 1803, le projet de Georges Cadoudal « était d’attaquer le premier consul et son escorte, homme à homme, à armes égales, et, après s’être emparé de Bonaparte, de mettre à l’instant même à sa place, à titre provisoire, un chef capable, pour commander la force publique et maintenir l’ordre. On eut ensuite proclamé Louis XVIII ». Ce chef capable n’est autre que l’ex-général Jean-Charles Pichegru (1761-1804), alors réfugié à Londres. Et c’est au pied de la falaise de Biville-sur-Mer, dans notre région, que se jouera le dernier acte de la vie du hardi Breton Cadoudal. La série d’articles que nous soumettrons au lecteur au cours des prochains mois n’a pas pour objectif de revenir sur la portée et les conséquences politiques de cette tentative de rétablir un Bourbon sur le trône de France ; cette matière a déjà été largement débattue par des historiens de renom. Plus modestement, nous tenterons de circonscrire à l’échelle de notre région la conjuration menée par Cadoudal en abordant les implications des acteurs locaux qui ont pris une part active à l’élaboration de ce complot. Bien qu’éloignée du théâtre d’opérations des guerres de Vendée, notre région n’est pas restée sourde aux échos de la guerre civile et de la Chouannerie. Après 1793, on parle déjà de « Petite Vendée » à propos des villages cauchois où se seraient réfugiées des troupes de l’armée catholique et royale avec la complicité de riches laboureurs. Les archives départementales de la Seine-Maritime conservent un document dans lequel sont signalés, en février 1794, dans le district de Cany, dix à douze cavaliers parcourant la nuit diverses communes, volant des légumes et des volailles. Les autorités pensent qu’il s’agit là aussi de débris des armées vendéennes, établies dans les bois et cherchant à recruter des partisans ; elles constituent une troupe de 150 soldats et gardes nationaux qui, à partir de Dieppe, battent en vain la campagne. Alors que le régime du Directoire (1795-1799) n’en finit plus d’agoniser en raison d’une part des désordres civils (misère effroyable, inégalités abyssales, vénalité de ses représentants) et d’autre part de la crise économique (monnaie-papier sans valeur, administration démunie), tout le pays est en proie à l’anarchie, aux brigandages et aux désertions massives dans les régiments ; un contexte confus et troublé où germent des velléités royalistes qui se font alors jour un peu partout en France. Ainsi, au cours de l’été 1799, des cavaliers chouans sont signalés dans les régions de Gournay et de Caudebec et des rassemblements suspects ont lieu dans les forêts de Lyons et d’Eu, notamment près du poteau Montauban. Entre Guerville et Millebosc, des bandes composées de royalistes et de déserteurs s’adonnent à des exercices avec leurs fusils ; des colonnes mobiles patrouillent alors en forêt et parviennent à mettre un terme à ces attroupements. Les autorités restent toutefois sur leurs gardes ; pendant l’hiver, des brigandages sont commis dans les campagnes cauchoises. Mais après le coup d’Etat du 18 Brumaire de l’An VIII (9 novembre 1799), la formule « la Révolution est terminée » prononcée par le Premier Consul Napoléon Bonaparte annonce une remise en ordre des affaires de la France, qui n’empêchera pas cependant que se joue le long du littoral de notre région une bien haletante intrigue.

À suivre

Article de Jérôme Maes

Articles de Jérôme Maes pour Le Tréport Magazine consultable sur le site de la ville du Tréport

Remerciement a Mr Maes et a la mairie du Tréport

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