Gamaches L’église Saint-Pierre et Saint-Paul

EGLISE SAINT-PIERRE (1)

Autrefois Gamaches possédait deux églises. L’église Saint-Nicolas située sur la place du Marché a entièrement disparu. Le chœur venait d’être reconstruit quand il fut acheté au début de la Révolution par la paroisse d’Aigneville qui le réédifia.
Si la nef présentait aussi peu d’intérêt que le choeur, les archéologues n’ont guère à regretter cette démolition.

L’église Saint-Pierre et Saint-Paul qui se dresse à l’autre extrémité du bourg est non seulement le plus beau monument religieux du canton, elle peut figurer, si je ne me trompe, au rang des plus belles et des plus intéressantes églises de notre département, encore que bien restaurée, trop restaurée peut-être, durant ces soixante dernières années. Les échafaudages qui séparèrent longtemps le chœur de la nef tombèrent au mois de septembre igo6, et nous pouvons aujourd’hui contempler un
ensemble harmonieux, presque homogène.

Sur l’église, ancien prieuré, où l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, célébrait la fête patronale de Saint-Pierre, le 29 juin 1260, nous ne possédons aucun document ancien, mais les registres des délibérations municipales, en nous disant les persévérants sacrifices que la commune ne cessa de s’imposer, nous apprennent les réparations
successives dont l’église fut l’objet au dernier siècle, et leur lecture ne laisse pas de nous donner des renseignements très utiles aujourd’hui, mais qui deviendront précieux plus tard, quand le temps aura passé sa patine sur les pierres trop blanches.

En 1851, M. Herbaut, architecte chargé de la restauration du monument établit un devis : les travaux à la tour du clocher coûteront 25.ooo francs et ceux du portail et des murs latéraux 10.000 francs (2). En 1853, le Conseil décide la vente d’une partie des marais communaux pour une somme de 8.000 francs (3).

Deux ans plus tard, sur un emprunt de 3o.ooo francs remboursable en cinquante ans que la commune contracte, 21.867 francs figurent pour travaux à l’église (4). En mai 1860, une somme de 1.408 francs est votée. Elle sera affectée, notamment à la confection d’une porte en chêne à deux vantaux, au clocher et à la pose d’un vitrail en grisaille au-dessus de cette porte. Le même jour on affecte 11.5oo francs à la restauration du petit portail (5).

 

(1) Bibliographie. DARSY, Gamaches et ses Seigneurs, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, Amiens et Paris, 1854, 2e série, t. III et IV. — J. GIRARD, Eglise Saint-Pierre et Saint-Paul, à
Gamaches Somme), 1867, 7 plans sans texte, in-40.

(2) Archives municipales, registre aux délibérations 1841-1865, fol. 104.

(3) Ibid. fol. 134.

(4) Ibid. fol. 168.

(5) Ibid. fol. 216.

 

En septembre 1860, pavage de la tour et confection d’un tambour devant la porte principale. Le 3 décembre 1863, un ouragan cause de nombreux dégâts et nécessite de nouvelles dépenses (i). L’exercice 1866 se solde par un déficit, l’architecte ayant dépassé de 6.000 francs la somme de 10.000 francs qu’il devait consacrer à la restauration de la façade ouest ; mais les travaux exécutés justifient cette importante dépense. La façade, au lieu de recevoir le simple revêtement prévu, a été reconstruite en entier.
De plus « l’architecte d’accord avec l’inspecteur des monuments historiques a jugé utile de réaliser sur cette façade intérieure un système d’arcades du meilleur effet,mais qui a considérablement augmenté le devis ). Enfin, les travaux ont été poussés plus loin encore; pour savoir à combien s’élèvera la restauration intérieure de la nef, on a réparé deux piliers (2). En 1868, tous les piliers du côté gauche sont restaurés (3).
L’année suivante, le Conseil affecte une somme de 4.000 francs à la restauration des grandes arcades et des piliers du côté droit (4). Les travaux se poursuivent sans relâche,ménageant encore parfois des surprises En 1870, i5.ooo francs dépensés au bas côté nord ont excédé d’un tiers les prévisions d’un premier devis (5). Ces restaurations
avaient laissé en souffrance d’importantes réparations et des traces de l’ouragan de 1863 demeuraient encore visibles neuf ans plus tard. En 1874, le Conseil se décide à voter une somme de 4.000 francs destinée à la réparation de la grande fenêtre et des clochetons du clocher, et à la reconstruction du sommet de la tourelle d’escalier (6).
Au mois de mai 1875, le conseil approuve un projet des marguilliers pour la construction d’une sacristie. Celle-ci coûtera 6.000 francs, mais restera à la charge entière de la fabrique (7). En 1877, maison Bazin et Latteux qui a réparé les vitraux de l’église
présente un mémoire de 1.670 francs; la fabrique ne pouvant payer, la commune acquittera cette dépense (8).

A M. Herbaut avait succédé M. Duthoit et à celui-ci, M. Danjoy. Ce dernier,en 1896, propose un devis s’élevant à la somme de 101.000 francs, sur lesquels les travaux à exécuter au chœur figurent pour 34.000 francs (9).

Depuis cinquante ans, la commune n’avait cessé de voter presque régulièrement chaque année des sommes importantes pour la restauration du monument. Dans cette entreprise, vrai travail de Pénélope, plus le but approchait, et plus les exigences
des architectes se faisaient pressantes. La note montait si haut cette fois qu’une Commission fut chargée de contrôler le devis proposé. Le Président de la Commission,tout pénétré de l’importance de son rôle, rédigea un long rapport, consigné dans le registre des délibérations. Il y perce, à l’égard des monuments historiques, une certaine méfiance — les Gamachois sont presque Normands — qui ne parait pas absolument
injustifiée.

« Notre avis, disait le Président de la Commission, est que ces travaux,
si bien compris qu’ils soient, sont hors de proportion avec les ressources de la commune. De plus, n’allez pas croire qu’en vous saignant à blanc pour ce présent,tout en engageant l’avenir de la nouvelle génération, vous en serez quittes une bonne fois ? Pas le moins du monde, car ces messieurs des monuments historiques caressent

 

(1) Archives municipales, registre aux délibérations 1841-1865, fol. 269.

(2) Registre aux délibérations 1869-1875, pp. 45-46.

(3) Ibid. p. 120-123.

(4) Ibid. p. 214-215.

(5) Ibid. p. 291.

(6) Ibid. p. 344-345-

(7) Ibid. p. 578-579.

(8) Registre aux délibérations, 1875-1893, p. 32.

(9) Ibid. p. 268-269.

 

le projet de reconstruire dans le style non seulement toutes les parties défectueuses disparates actuelles, mais encore dans un avenir prochain, vous doter d’une nef voûtée,d’un parvis, d’un entourage grillé, et enfin de vous faire procéder par un achat de terrain et d’immeubles au dégagement de l’église. Si vous ajoutez à cela bon nombre de dépenses imprévues, vous arriverez, au dire de M. l’Inspecteur lui-même, à dépenser de 450 à 5oo.ooo francs. C’est un chiffre dont l’éloquence se passe de commentaires.

« L’Etat, nous dit M. l’inspecteur des monuments historiques, désireux de perpétuer chez vous le sentiment du beau prend à sa charge une partie des frais que nécessite l’entretien du monument. Le malheur, c’est que l’Etat prend une part trop petite; et comme ces messieurs ne travaillent pas par voie économique, tant s’en faut, il arrrive fatalement que les moindres travaux coûtent très cher. Mais, qu’est-ce que
cela vous fait riposte M. l’Inspecteur, puisque c’est pour cette raison que l’Etat vous vient en aide ; et puis enfin, il n’est pas si mauvais enfant que cela l’Etat ; il vous manquerait quelques mille francs pour achever le travail, en vous y prenant adroitement,vous pourriez les obtenir.

« Cette promesse alléchante nous rendit songeurs, et nous ne pûmes ne pas représenter à M. l’Inspecteur que nos devanciers avaient dû n’être guère adroits ou l’Etat fort chiche, puisque nous remarquons que des deux clochetons figurant pour 27.500 francs au devis ci-dessus, un d’eux est resté inachevé, c’est à dire non sculpté, faute de fonds suffisants. Alors, il paraît qu’aujourd’hui, la pierre étant détériorée par les
intempéries, il n’est plus possible de procéder à la sculpture des choux qui ornent les arétiers du clocheton. En voilà pour une douzaine de mille francs, que l’Etat aurait pu nous faire économiser s’il eut eu la générosité de nous donner 3 ou 4.000 francs. Conclusion: nous ne devons guère compter sur l’Etat; dans tous les cas, ce ne serait que dans de faibles proportions, lesquelles ne compensent à gros près, le coût des travaux exécutés sous la direction des monuments historiques. »

Malgré ce véhément réquisitoire, le Conseil jugea qu’il ne pouvait abandonner une restauration poussée si loin déjà et approuva le devis (1)

M. Vinson vient de terminer la voûte du chœur: voilà donc rempli le programme tracé en 1899. Inutile d’ajouter que le devis sera sensiblement dépassé. N’est-ce pas de tradition à l’église de Gamaches ?

Le monument mesure 42 mètres de long et 16 mètres de large en œuvre. La nef, y compris le transept, a 24 mètres de long et le chœur 18 mètres. La largeur de la nef est de 7 mètres et celle des collatéraux de 3 mètres. L’église comprend une nef de quatre travées, accompagnée de deux bas côtés, un transept, un chœur de quatre travées terminé par un chevet plat, une chapelle orientée dans le croisillon Nord et un clocher construit dans le prolongement du même croisillon, mais non dans le même axe.

La nef construite pour être voûtée, ne le fut peut-être jamais. Cependant, si on ne voit aucun reste de formerets, on distingue encore quelques traces de nervures,dont les premières assises semblent avoir été montées. Le doubleau aurait reposé sur la demi colonne qui part de fond et les branches d’ogives sur les colonnettes,dont les masques receuillent la retombée, à hauteur du premier bandeau. Les trois chapiteaux qui surmontent la demi colonne et les deux colonnettes conservent encore
leur corbeille rehaussée de crochets et couronnée du tailloir circulaire si en faveur dans la région normande.

Un large doubleau aurait séparé la nef du carré du transept. Deux demi colonnes

(1) Registre aux délibérations, 1875-1893, p. 290-296.

jumelles engagées dans un dosseret et surmontées par deux chapiteaux sur un seul tailloir attendent de chaque côté ce doubleau. Leur ordonnance est quelque peu différente au Nord et au Midi ; au Midi deux colonnettes sont logées dans les angles du dosseret et du pilier, disposition qui ne se trouve pas du côté opposé, et de laquelle il faut tirer cette conclusion : le doubleau aurait été à double voussure mais des consoles auraient recueilli les voussures extérieures du côté Nord. Les demi colonnes, au lieu de monter à hauteur des autres demi colonnes de la nef, ne dépassent guère le bandeau qui souligne les tribunes. On peut semble-t-il, inférer de cette disposition, qu’aucune autre raison ne parait justifier, une interruption dans la marche des travaux, à hauteur du carré du transept. La nef aurait été élevée la première et prévue beaucoup plus haute que le reste du monument. Ces supports qui cantonnent
les quatre piliers de la croisée, du côté de la nef et du côté du chœur remplacent avec avantage une seule demi colonne qui nécessairement plus massive aurait diminué la largeur de la nef et masqué l’entrée du chœur. Ils rappellent les larges pilastres de Notre-Dame de Paris. Dès le XIe siècle d’ailleurs, une disposition identique à celle de Gamaches s’observe à Morienval, comme la récente restauration de M. Selmersheim l ‘a révélé, ainsi qu ‘à la collégiale de Nesle, mais les constructeurs
de Gamaches avaient un modèle tout voisin. A l’église d’Eu, ce sont également deux demi colonnes qui flanquent les piliers du carré du transept.

Les piliers de la nef se composent d’un massif central cruciforme flanqué d’une demi colonne sur chacune de ses faces et de quatre colonnettes dans ses angles rentrants. Le fût engagé du côté de la nef aurait soutenu un doubleau si la voûte avait été construite, le fût correspondant sur la face opposée reçoit le doubleau des bas côtés. Les deux autres recueillent les retombées des grandes arcades. En tiers point et doublées sur leurs deux faces, celles-ci ont leurs archivoltes refouillées par des boudins entre deux cavets ; leurs voussures extérieures reposent sur les colonnettes d’angle. Les chapiteaux tous modernes sont à crochets et d’un style quelque peu différent des chapiteaux primitifs, à les comparer aux chapiteaux des tribunes, anciens et d’un faire plus archaïque. Leur tailloir se profile en un bandeau surmontant une gorge entre deux boudins. Les bases comprennent deux baguettes séparées par un
onglet, une scotie et un tore inférieur. Elles reposent sur un socle arrondi au pied des demi colonnes, ainsi qu’aux angles du massif central. Quant à la plinthe, de forme circulaire, elle a son arête amortie par un talon renversé. Ces socles et ces plinthes arrondis décèlent une influence normande. Les plinthes circulaires de Gamaches rappellent également celles de l’église abbatiale de Berteaucourt-les-Dames.

Les piliers adossés au revers de la façade comprennent une grosse demi colonne armée de trois demi colonnes engagées. L’une de ces dernières reçoit la retombée de la grande arcade, les deux autres le doubleau du bas côté et une colonnette tronquée logée dans l’angle, contre la façade. Une plinthe semi circulaire enveloppe l’ensemble.

Quant aux deux piles voisines du carré du transept, cantonnées de onze colonnettes au Nord et de treize au Midi, elles reposent sur une plinthe qui affecte la forme d’un losange aux pointes abattues.

Les tribunes couvertes d’un toit en appentis s’ouvrent sur la nef par deux
arcades geminées en tiers point sous un arc en plein cintre. Leur sol est accusé par un bandeau profilé en boudin. Celui-ci contourne les demi colonnes qui montent à la voûte, en formant bague autour d’elles. A la première travée du Nord seulement,
l’ancienne disposition est respectée, et la tribune donne directement sur le toit du collatéral, comme à Saint Evremond de Creil avant la démolition de cette charmante église. Aux autres travées, une mince cloison de briques forme aujourd’hui le fond de la tribune. Le grand arc en plein cintre garni d’un tore retombe sur deux
colonnettes d’angle ; les deux baies geminées en tiers point avec arête également ornée d’un boudin reposent sur une colonnette centrale et deux fûts en délit. Dans les trois premières travées au Nord, les arcs brisés sont meublés d’un trilobé avec écoinçons rehaussés de petits trèfles gravés en creux. Un quatrefeuille inscrit dans un oculus s’ouvre dans le tympan, sauf dans les trois premières travées du Nord, où
un trèfle cantonné de trois petits trèfles gravés en creux remplace le quatrefeuille.
La troisième travée du Nord présente, de plus, deux trèfles gravés en creux autour de l’oculus. Ce petit motif tréflé, d’un usage fréquent dans le gothique normand du XIIIe siècle, se poursuit sur des bandeaux intérieurs à la Cathédrale de Rouen et aux églises de Louviers et d’Eu; on le trouve également au-dessous des corniches des églises de Pitres et du Plessis-Sainte-Opportune (1).

Les chapiteaux sont à crochets. Les tailloirs comprennent un filet, un onglet et deux boudins séparés par une gorge. Quelques-uns d’entre eux se prolongent sur le nu du mur, mais sans rejoindre toutefois les demi colonnes de la nef, lesquelles montent un peu plus haut. Une gorge entre deux boudins, dont l’inférieur est aplati compose chacune des bases.

M. Lefèvre-Pontalis consacrait récemment un article nécrologique à l’ église Saint-Evremond de Creil. Etudiant les tribunes de cette église qui présentaient,comme celle de Gamaches, l’emploi simultané de l’arc en plein cintre et de l’arc brisé, l’auteur cite un ccrtain nombre de monuments où s’observe cette disposition,
tels que les églises de Saint-Etienne de Beauvais, de Saint-Germer, de Saint-Leu-d’Esserent (Oise), de Poissy, de Chars (Seine-et-Oise), de Lillers (Pas-de-Calais), du Val-Chrétien, d’Acy-Sainte-Restitute (Aisne). Tous ces exemples appartiennent à l’époque romane. Ajoutons à cette liste un monument du XIIIe siècle, comme Gamaches,et dans notre département: Saint-Pierre de Doullens. M. Lefèvre-Pontalis trouve
l’origine de ce mode de construire dans l’école normande, où les tribunes des églises abbatiales de Bernay, de Jumièges et du Mont-Saint-Michel montrent, dès le XIe siècle,de grands arcs subdivisés par deux arcs geminés (2).

Une corniche dessinant un tore, court au-dessus de la tribune, s’interrompant au droit de chaque pilier, pour le passage des nervures de la voûte et soulignant l’étage des fenêtres.

Une fenêtre en tiers point, fortement ébrasée, éclaire chaque travée.

Contre le revers de la façade occidentale et au-dessus d’une porte en tiers point, un passage relie les tribunes. Il coupe l’ébrasement d’une longue fenêtre en arc brisé et communique, de plus, avec la nef par deux arcs en tiers point enveloppant deux petites baies de même forme. Les tympans sont ajourés, au Midi d’un trilobé inscrit dans un oculus, et au Nord d’une petite rose. Comme aux tribunes, les piédroits sont garnis de deux colonnettes d’angle; un fût central reçoit les retombées des deux
petits arcs et les chapiteaux sont à crochets, mais les petits arcs ont une double archivolte torique, et une archivolte à boudin contourne les grands arcs.

Ce passage, si heureusement compris et d’un caractère original, serait-il une création moderne, comme semblerait le faire croire le texte des délibérations municipales cité plus haut. Je ne le pense pas. Les moulures et les chapiteaux des deux arcs sont
certainement anciens et l’architecte, au xixe siècle, se contenta sans doute d’une simple

 

(1) Pitres, cant. de Pont de l’Arche, arr. de Louviers (Eure). — Le Plessis-Sainte -Opportune, cant. de Beauffiont-le-Roger, arr. de Bernay (Eure).

(2) E. LEFÈVRE PONTALIS, Saint-Evremond de Creil. dans le Bulletin Monumental, t. LXVIII, Paris et
Caen, 1904, p. 174.

 

 

 

restauration en respectant les données du constructeur. D’ailleurs, cette disposition n’est pas unique. On peut la comparer au triforium à jour qui fait communiquer les deux tours de Saint-Hildevert de Goumay et à la galerie de façade de Notre-Dame de Louviers ; mais à Louviers, comme à Gournay, un buffet d orgue masque cette partie du monument qui, à Gamaches, reste complètement dégagée. Le buffet d’orgue de notre église occupe le fond du transept méridional.

Une rose sous un arc en plein cintre dont un étroit passage traverse les
tableaux, éclaire le pignon.

Passons dans le collatéral Sud; les doubleaux à deux voussures ei quatre boudins qui en délimitent les travées reposent sur des demi colonnes engagées. Les demi colonnes appliquées contre les murs, en parfaite harmonie de style avec celles qui leur font vis-à-vis ne présentent avec ces dernières que de légères différences de détail : les tailloirs des chapiteaux sont polygonaux, au lieu d’être carrés, et les plinthes, au lieu d’être semi circulaires, polygonales. La dernière travée est séparée
du transept, comme à la collégiale de Nesle et à l’église d’Eu par deux demi colonnes avec chapiteaux au-dessous d’un tailloir unique. Les deux doubleaux très rapprochés et séparés l’un de l’autre par une gorge profonde ont les arêtes refouillées de tores,et une double archivolte torique, contournant la voûte de la dernière travée du bas côté, enveloppe le premier de ces doubleaux. Les voûtes reposent sur des ogives profilées en un boudin entre deux cavets. Des clefs à feuillages, toutes refaites, ornent l’intersection des nervures. Des formerets toriques, et, en face des formerets, une archi-volte de même profil autour des grandes arcades, complètent la décoration de la voûte.

Une arcature aveugle décore le mur de fond. Elle se compose par travée de trois arcades, en plein cintre à la première et à la dernière travée, en tiers point aux deux autres travées. Des archivoltes toriques sont recueillies par des demi colonnes adossées à des pilastres. Aux tailloirs et chapiteaux, mêmes profils, même décoration qu’aux autres tailloirs et chapiteaux du bas côté, mais les bases qui se composent de deux baguettes, d’une scotie, d’un listel et d’un tore très aplati reposent sur des socles carrés.

Des archivoltes ornées de boudins que dégagent en dessous des cavets, forment sourcils autour des arcades. Des têtes humaines, d’une facture trop moderne et de petits bouquets de feuillages reçoivent les retombées de ces archivoltes.

Ces arcatures du bas côté, d’un charmant effet décoratif, n’étaient pas inconnues à l’époque romane. On en trouve à Cambronne, à Villers-Saint-Paul, à Saint-Taurin d’Evreux, et plus tard à la cathédrale de Noyon. Signalons enfin, encore que d’un caractère tout différent et beaucoup plus simple, les arcs très surbaissés qui se poursuivent au rez-de-chaussée des bas côtés de l’église d’Eu.

Une fenêtre en tiers point, fortement ébrasée et dont le glacis se raccorde à un bandeau torique s’ouvre dans chaque travée. De plus, une fenêtre est percée dans l’axe du bas côté. Le mur occidental présentant moins d’épaisseur dans le bas côté qu’à la nef, il s’ensuit que le collatéral forme un renfoncement couvert par un petit berceau brisé.

Les restaurations modernes ont-elles conservé à cette partie du monument son caractère, nous devons en douter, car Darsy parle de bancs de pierre qui servaient de soubassement aux arcatures et qui ont complètement disparu. La présence de ces bancs suggère à l’historien de Gamaches une théorie qui ne repose sur aucune donnée sérieuse. « Ces arcades, dit-il, étaient destinées aux douze pauvres auxquels
le prêtre lavait les pieds le jeudi saint, selon l’ancienne liturgie » (1).

 

(1) DARSY, Gamaches et ses seigneurs, dans les Mémoires des Antiquaires de Picardie, 2e série, t. IV, 18S6,p. 482.

 

Les deux collatéraux ne se distinguent que par de légères différences, qu’un n’est pas sans intérêt, pourtant de noter. Dans le collatéral Nord, les deux doubleaux jumeaux qui séparent le bas côté du croisillon ont leurs arêtes simplement abattues;les tailloirs des demi colonnes engagées contre le mur de fond sont polygonaux et non carrés; les fenêtres sont ornées d’une archivolte formée d’un boudin continu; enfin les petites arcades sont toutes en arc brisé. Mais cette arcature du Nord est
entièrement moderne (1).

La présence de tailloirs polygonaux au bas côté septentrional me conduit à formuler une remarque très justement faite déjà par le M. le docteur Coutan. Cet archéologue signale dans l’église d Eu, d ‘un côté des tailloirs polygonaux, de un autre des tailloirs carrés. Il fait observer que le tailloir polygonal décèle un progrès dans la filiation de » ce membre d’architecture, et de la différence de profil, il tire une conclusion qu’il convient d’appliquer également à l’église de Gamaches. A Gamaches,
comme à Eu, les travaux durent commencer par le côté de l’édifice où se remarquent les tailloirs carrés.

Le carré du transept couvert en charpente, ainsi que les deux croisillons, est circonscrit par de grands arcs en tiers point doublés aux arêtes abattues. La voussure intérieure repose sur des demi colonnes engagées et la voussure extérieure sur des– colonnettes. Au-dessus des grands arcs et à la naissance de la voûte, court une sablière du xvie siècle, à double rang de feuillages, où se jouent des animaux.
Quatre blochets portent les figures des apôtres : saint Pierre et saint Jean sont facilement reconnaissables à leurs attributs.

Le croisillon Sud qui presente une sablière de même style, rehaussée de deux blochets, est éclairé à l’Ouest par une fenêtre à double meneau et remplage à soufflets. Il communique avec une chapelle orientée, la chapelle du Rosaire, par un arc en tiers point moderne, dont les quatre arêtes toriques reposent sur des colonnettes d’angle; tandis qu’au Nord l’étage inférieur du clocher constitue en quelque sorte la dernière travée de ce bras de transept. Un grand arc en tiers point, qui se profile en un méplat flanqué sur chacune de ses faces de trois cavets et qui
pénètre dans deux piliers à pans coupés, relie les deux parties du monument. Au-dessus de ce grand arc, on remarque une galerie ornée de flammes. Une corniche composée d’un cavet que meublent des choux frisés, et d’une gorge, du fond de laquelle se détache un bâton écoté entouré d’une banderole, soutient cette galerie qui vient buter contre la voûte du croisillon. Le clocher, primitivement construit
hors œuvre, est fortement épaulé à l’intérieur même de F église par un contrefort d’angle qui a conservé deux larmiers et le départ de deux gables à crochets. Sa voûte en pierre, percée d’un œil pour le passage des cloches repose sur des ogives, liernes et formerets profilés en cavets. Quatre consoles à feuillages, logées dans les angles reçoivent les nervures Deux portes s’ouvrent sous le clocher; l’une très spacieuse, percée dans le mur du nord et donnant sur l’extérieur sera décrite plus
loin; l’autre petite et pratiquée dans le mur occidental communique avec l’escalier en vis qui monte aux étages supérieurs. Celle-ci en anse de panier est surmontée d’une archivolte en accolade avec arêts horizontaux. Une petite console couronne l’archivolte.

La chapelle du Rosaire, éclairée au Nord par une fenêtre flamboyante à deux formes, et à l’Est par un oculus, fut édifiée en 163o, comme en atteste une date

(1) DARSY, Répertoire et appendice des histoires locales de ta Picardie, Gamaches, dans la Picardie, t. IX, année 1874, Amiens, in-8°, p. 188.

 

inscrite à l’extérieur. En l’absence d une date, le profil des ogives et des liernes qui soutiennent la voûte, aussi bien que le style de deux consoles d’angle ornées de têtes d’anges ailés, au-dessus de culots godronnés, nous auraient livré avec certitude l’âge de cette construction. Celle-ci fut élevée pour abriter la confrérie du Rosaire, que les Dominicains avaient instituée à Gamaches l’année précédente,en 1629 (1).

Le croisillon méridional qui s’arrête actuellement à hauteur du colletéral a conservé deux colonnettes dans l’angle Sud-Ouest. Une troisième colonnette aujourd’hui noyée dans la maçonnerie et qui vient d’être découverte dans une réfection totale du mur pignon formait faisceau avec les deux autres. La colonnette centrale, d’un diamètre plus fort que ses deux voisines recevait un doubleau, et celles-ci des
croisées d’ogive. Il faut en conclure que le mur pignon, éclairé d’une fenêtre flamboyante et élevé seulement au xve siècle, a raccourci d’une travée ce croisillon.
Il fut longtemps question d’y ouvrir une chapelle orientée dans le même style que la chapelle du Rosaire. Le projet, aujourd’hui abandonné, laisse un grand mur dépourvu de toute décoration.

Le chœur se compose de quatre travées. La première, reliée à la chapelle du Rosaire par un grand arc brisé, dont aucune moulure ne meuble les arêtes, est plus étroite que les autres. Nous sommes sur la frontière normande et l’église de Gamaches se ressent visiblement de ce voisinage. Peut-être les constructeurs avaient-ils formé le projet d’élever une tour lanterne et pour la mieux contrebuter, adopté cette disposition ?

Un soubassement très élevé, couronné par un gros boudin, forme un bahut sur lequel se dressent trois demi colonnes, dont les chapiteaux à larges feuilles méplates, recourbées en crochets recueillent les retombées des doubleaux et des ogives.
De là partent également des formerets toriques. Le tore s’élance d’un jet jusqu’à la clé, sauf aux deuxième et troisième travées, où, à hauteur d’imposte, il se casse brusquement pour repartir plus en arrière. Cette imperfection amenée par une diminution
dans l épaisseur du mur, a été fidèlement conservée par les restaurations modernes.

Des fenêtres en arc brisé s’ouvrent dans l’axe de chaque travée, sauf à la première travée septentrionale et à la deuxième travée méridionale. Des arcs de décharge affleurant le parement du mur les surmontent. Ils sont en tiers point, mais aux deuxième et troisième travées ne décrivent pas la même courbe que les fenêtres.

A la deuxième travée du Sud, une porte donne accès à un escalier en vis qui conduit aux combles. Cet escalier est entièrement moderne, mais il parait bien qu’il existait jadis, puisqu’on en découvrit les premières marches au niveau du sol.

Une armoire double et à feuillures, et une piscine en arc surbaissé meublent la dernière travée méridionale. Dans la troisième travée du Nord est pratiquée une porte en plein cintre communiquant avec la sacristie.

(1) Les archives de la fabrique de Gamaches possèdent trois pièces relatives à la confrérie du Rosaire :

1° Le 22 avril 1629, à la requête de Jacques de Brienchon, curé de Gamaches, de Jean du Four, doyen du chapitre de l’église Notre-Dame au château de Gamaches, de François du Mont, prieur du prieuré de Gamaches, de Jacques Le Conte, notaire royal et procureur au siège présidial et élection du Vimeu, lieutenant général au marquisat
de Gamaches, de Jean Gosselin, procureur fiscal audit marquisat et maïeur de ladite ville, le père Le Besgue, des Frères prêcheurs, érige en l’église Saint-Pierre et chapelle Notre-Dame une confrérie du Rosaire avec tous ses privilèges.

2° Le 3 décembre 1632, le Père Angenor, prieur des Frères prêcheurs d’Amiens annonce au curé de Gamaches qu’il se rendra à Gamaches après Noël, dès qu’il quittera Rue, pour examiner si les statuts de la confrérie s’observent régulièrement et pour donner une forme plus authentique auxdits statuts.

3° Le 5 janvier 1634, Antoine Angenor, des Frères prêcheurs, confirme au curé de Gamaches tous les privilèges et les indulgences attachés à la confrérie du Saint-Rosaire (lettre en latin).

La restauration qui fait le plus grand honneur à M. Vinson, architecte, a conservé comme témoins plusieurs groupes de chapiteaux. Les autres furent complètement refaits. Tous les chapiteaux modernes de la nef et des bas côtés sont d’une facture dont la patine du temps ne corrigera jamais la sécheresse; mais dans le chœur, le ciseau de l’artiste sut donner à la sculpture cette souplesse savoureuse qui communiquait
aux œuvres du moyen âge un charme si prenant. Les tailloirs se profilent en un boudin, une gorge et un listel; quant aux bases, elles dessinent une scotie entre deux tores; les formerets se composent d’un boudin continu. Les doubleaux et les ogives sont modernes.

Le chevet est plat comme dans un si grand nombre d’églises du XIIIe siècle, par exemple en Beauvaisis, à Bury, à Cambronne, à Villers-Saint-Paul, à Montataire,et plus près de nous, à Saint-Hildevert de Gournay. Une grande fenêtre en tiers point s’ouvre dans l’axe du chevet, et un oculus percé dans le pignon éclaire le comble.

Le chœur de Gamaches qui doit son originalité à la présence de ce grand
soubassement rappelle le magnifique réfectoire de l’abbaye de Bonport, près de Pont de l’Arche (1).

La façade occidentale ne mérite pas une longue description. Complètement moderne,elle ne semble pas devoir reproduire fidèlement l’ancienne façade. Certains détails,comme les bases des colonnettes du portail sont d’un très mauvais style. Le soubassement se compose d’un damier en silex et en pierre. Deux tourelles d’escalier
à trois pans saillants, éclairées de fenêtres longues et étroites, amorties par des toitures en pierre aux arêtes toriques et couronnées de petits fleurons encadrent le portail. Celui-ci, en tiers point, se compose de trois archivoltes toriques qui reposent sur des colonnettes en délit surmontées de chapiteaux à crochets. Le tympan ajouré d’une rose subdivisée par trois triangles curvilignes redentés parait être une pure
fantaisie de l’architecte restaurateur. Une fenêtre treflée enveloppée de deux boudins continus et d’une archivolte avec retours horizontaux surmonte le portail dont un glacis le sépare Une rose meublée de six trèfles occupe le pignon, dont une croix couronne le sommet.

Deux contreforts amortis en glacis épaulent les extrémités de la façade Dans chacune des parties latérales de celle-ci, correspondant aux bas côtés, s’ouvre une fenêtre en tiers point. Elle s’appuie sur un bandeau biseauté qui contourne les contreforts et les tourelles. De petites roses avec remplages quadrilobés éclairent les demi pignons.

François Ier passe pour avoir posé la première pierre du clocher qui se dresse à l’extrémité du transept nord. L’étude archéologique du monument ne contredit pas cette tradition. C’est une tour carrée divisée en trois :étages. Au rez-de-chaussée, le portail, compris dans un grand arc en tiers point orné de gorges et de moulures prismatiques, et couronné d’une archivolte en forme d’accolade et à crochets, se
compose de deux portes jumelles en anse de panier, au-dessous d’une grande fenêtre.
Celle-ci, subdivisée en cinq formes et ornée d’un remplage flamboyant, est coupée horizontalement par cinq arcatures trilobées qui correspondent aux formes supérieures.
Quatre de ces arcatures sont vitrées, mais celle du centre qui est pleine, forme une niche que surmonte un dais finement refouillé. Quatre niches privées de leurs anciennes statues, deux minces pinacles montant jusqu’à la balustrade, des arcatures aveugles tapissant les écoinçons du grand arc, composent une ornementation encore imprégnée des traditicns gothiques. Toutefois les deux petits dais, à pans coupés

(1) Voyez : Abbé Emile CHEVALLIER. Notre-Dame de Bonport, étude archéologique. Paris, 1904, in-40.

 

qui flanquent la porte, au rez-de-chaussée, sont décorés de rinceaux et de colonnettes fuselées conçus d’après les nouvelles formules. Faisons observer à ce propos que dans notre province où le flamboyant persista si longtemps, c’est par de petits motifs sculptés, dans les portails, comme à Fontaine-sur-Somme par exemple, que s’annonce
la Renaissance, alors que toute la construction appartient au style traditionnel.

Au-dessus du portail, court une balustrade ajourée de flammes, dont nous avons signalé la présence à l’intérieur du monument et qui repose sur une corniche.
Celle-ci, de même que la corniche supérieure, est ornée de choux frisés et d’un bâton écoté entouré d’une banderole,motif que nous retrouverons à l’intérieur de l’église saint Etienne de Bouttencourt. Deux fenêtres séparées par un bandeau biseauté s’ouvrent sur chacune des faces de la tour. Toutes deux sont séparées par un meneau et garnies d’un réseau flamboyant, toutes deux sont couronnées par une archivolte avec retours horizontaux et crochets, mais les fenêtres de l’étage intermédiaire, plus
petites que les autres, et qui s’ouvrent au fond d’un grand arc de décharge ont reçu une découpure de pierre qui en meuble les deux tiers. Des abat-sons aveuglent les fe-nêtres de l’étage des cloches.

La balustrade supérieure,les pinacles, les gargouilles d’angle et la toiture sont modernes.
Les gargouilles anciennes qui représentaient, dit-on, les quatre évangélistes étaient en plomb.

Les contreforts qui épaulent le clocher montent en s’amincissant à chaque étage jusqu’à la corniche. Au rez-de-chaussée, ils forment un massif très saillant, coupé horizontalement de bandeaux biseautés, orné d’arcatures aveugles et couronné d’un clocheton à crochets. Un simple talus ménage le passage entre le deuxième et le troisième étage, où le contrefort se détachant à peine du parement du mur affecte
la forme de deux petits pinacles superposés avec gables à crochets.

Une tourelle d’escalier occupe l’angle Nord-Ouest de la tour. Elle est polygonale et remarquable par sa haute flèche de pierre, couverte de gables méplats et de crochets.

Les deux façades du Nord et du Midi offrent une grande simplicité. A la nef, des contreforts amortis en talus et coupés horizontalement par deux bandeaux, le premier au-dessus d’un soubassement en pierre et silex, le second au-dessus des fenêtres, délimitent chaque travée. Les fenêtres des collatéraux sont enveloppées d’une double archivolte à boudin continu et d’une troisième archivolte garnie de pointes de diamant. Celle-ci se raccorde à un bandeau qui présente la même ornementation
et qui se perd derrière les contreforts. Les contreforts qui flanquent la nef centrale offrent les mêmes dispositions que les autres, mais sont moins saillants. Les fenêtres supérieures très exiguës, avec arêtes biseautées, sont couronnées d’une archivolte à retours horizontaux. Les deux corniches du collatéral et de la nef sont simplement moulurées.

Rien dans la chapelle du Rosaire, qui porte sur une pierre d’angle le millésime de 163o, ne décèle, à l’extérieur, le style classique. Sa fenêtre offre une décoration très sobre. L’archivolte à retours horizontaux qui, presque toujours à l’époque flamboyante en Picardie, même dans les moindres églises rurales, couronne le sommet des baies, est absente ici. Un bandeau mouluré en larmier souligne la fenêtre et se relève de chaque côté, à angle droit pour se poursuivre horizontalement.

Le chœur présente un aspect simple mais élégant. Les contreforts sont à double saillie. Les fenêtres simplement biseautées s’ouvrent sous un double arc de décharge; l’un non saillant est celui dont j’ai parlé tout à l’heure : il prend toute l’épaisseur du mur; l’autre, répétition du formeret intérieur, forme un ressaut à l’arête torique.
Une archivolte ornée de pointes de diamant couronne l’ensemble La corniche est rehaussée de crochets.

Une seule fenêtre, à un meneau éclaire le chevet plat. Elle est enveloppée d’un boudin continu et surmontée d’une archivolte à pointes de diamant et retours horizontaux.
La restauration ne respecta pas complètement les anciennes dispositions du chevet ;elle agrandit la fenêtre et ajouta deux fleurons au sommet du pignon et au-dessus de l’archivolte de la fenêtre. L’oculus du pignon à six lobes est également moderne.

L’église de Gamaches s’inspire visiblement de l’église d’Eu comme le prouvent les demi colonnes jumelles de la dernière travée de la nef et des collatéraux, les tailloirs circulaires des colonnes hautes de la nef, les arcatures des bas côtés. Elle appartient à la même époque que sa voisine, c’est-à-dire au premier quart du XIIIe siècle (1). Son style, par certains détails rappelle l’école normande. Quant à l’influence orientale qu’y signalent Lenormant (2) et Darsy (3), elle m’échappe complètement.

De nombreux personnages s’étaient fait inhumer dans l’église saint Pierre. On voit encore, encastrée dans un mur de la chapelle du Rosaire, une pierre de 0,60 sur 0,34 où Grégoire de Poilly est figuré, en surplis, tête nue et mains jointes, au-dessus de l’inscription suivante qui commémore sa fondation :

 

CY DEVAT GIST LE CORPS DE MESRE

GREGOIRE DE POILLY VIVAT PRETRE

QUY A DONE A LA CONFRAIRIE

DU ROSAIRE 6L  5S  DE RETE ET LA

MOITIÉ DE 9L  7S  6D AVEC FEU

LOUIS LE SUEUR ANCIEN MA

 

 

(1) Sur l’église d’Eu, voir la savante monographie du docteur COUTAN dans la Normandie Monumentale et Pittoresque (Seine-Inférieure), Hâvrr, 1893, in-fol, pp. 333-344.

(2) La note de LENORMANT a paru dans : Batissier,Histoire de l’Art Monumental, 2e édition. Paris 1860, in-8°, p. 516.

(3) DARSY. Gamaches et ses Seigneurs, dans les Mémoires in-8° des Antiquaires de Picardie, 2E série, 1856, t IV,
p. 481.

 

 

 

 

rattachent la base au socle, et des volutes évidées soulagent la corbeille. La cuve proprement dite a chacun de ses huit panneaux décoré de figures humaines. Quatre têtes d’homme sortent en forte saillie pour soutenir la tablette. Elles alternent avec des bustes de femme, dont elles sont séparées par des pilastres cannelés, surmontés d’une double frise, meublée de palmettes. Ces beaux fonts, dont ceux de Longroy sont une
réduction, rappellent aussi, mais dans des proportions également plus monumentales,les fonts de l’église de Gouchaupré (1).

A l’entrée du transept, contre le pilier Sud, se dresse une croix en bois accompagnée des statues  debout de la Vierge et de saint Jean. Ce groupe, qui date du xve siècle, couronnait jadis une poutre de
gloire, à l’entrée du chœur, et il est regrettable qu’il ait été relégué si haut. Le Christ,et surtout  les deux statues ne sont passans mérite. Les quatre petits médaillons quadrilobés qui ornent l’extrémité des bras
de la croix se distinguent par la finesse de leur sculpture. Ils représentent quatre personnages assis, tenant  sur les genoux un phylactère avec le nom d’un évangéliste.
Cette figuration est assez rare, car le plus souvent, ce sont les attributs des évangélistes qui terminent les bras de la croix,comme déjà dès le xe siècle, sur le célèbre évangéliaire de Morienval, conservé dans le trésor de la cathédrale de Noyon, et au XIe siècle, au beau Christ du musée de Madrid qui provient de la cathédrale de Léon.

 

 

L’église possède plusieurs statues en bois, bien conservées, qui remontent aux xv’et xvi » siècles. Il faut citer, pqrmi celles-ci,
un saint Fiacre, deux Notre Dame de Pitié avec le Christ sur les genoux, une sainte tenant d’une main un livre et de l’autre une palme; et surtout un saint Michel terrassant le démon, provenant sans doute de la chapelle, aujourd hui détruite, du cimetière. L’archange, tête nue, porte une longue chevelure retenue par un cercle d’orfèvrerie : camail, cuirasse, tassettes reliées à la cuirasse par des courroies, court
jupon de mailles, brassières, coudières, cuissots, genouillères et jambières, telles sont les pièces de l’armure complète qui le protège. Un ample manteau, jeté sur les épaules et agrafé sur la poitrine par un élégant fermail en forme de trèfle, dégage les bras et les ailes. La main droite levée brandit une épée, la gauche s appuie sur un bouclier à
huit pans, ornés de côtes qui se rejoignent à 1 ‘umbo. Le monstre jeté sur le dos, sous les pieds de l’archange se débat en mordant I extrémité du bouclier. Ce groupe offre une très grande ressemblance avec un saint Michel en pierre, du musée d’Amiens.

Si nous ne retrouvons plus à l ‘église saint Pierre le jubé qu ‘on y remarquait encore en 1740, nous y admirons plusieurs pièces de son mobilier, dépquilles de

(1) Longroy, canton d’Eu, arr. de Dieppe. — Gouchaupré, cant. d’Envermeu, arr. de Dieppe (Seine-Inf.).

 

 

l’abbaye du Lieu Dieu : un maître autel, des stalles en chêne, un lutrin, qui appartiennent au XVIIIO siècle. Ajoutons à cette énumération un chandelier, ou broissin, en dinanderie, du xvic siècle, et nous aurons complété la liste des objets qui meublent l’édifice.

Les trois cloches sont anciennes. La plus grosse qui mesure 1M15 de diamètre porte cette inscription :

 

A LAN 1781 JAY ÉTÉ BÉNITE PAR Me JACQUES RIQUIER

CURÉ DE S1 PIERRE ET St NICOLAS DE GAMACHES ASSISTEE (sic)

DE Me SIMON PIERRE LE GRIS VICAIRE A

DESDITES PAROISSES ET NOMMEE MARIE JOSEPH PAR

Me CHARLES ANTOINE MARTIN ETHAART ETUDIANT EN

DROIT ET PAR DAMME MARIE JOSEPH A

GARET ÉPOUSE DE Me CRETON AVOCAT EN PARLEMENT

NOËL ETIENNE ET FRANÇOIS GIRARD FONDEUR (SIC) A BEAUVAIS

PIERRE DEZENCLOS MARGUILLER EN CHARGE ENCIEN MILITAIRE DU ROY

Sur la cloche moyenne, de 01ll3g de diamètre, se lit l’inscription suivante :

JOACHIM ROVAVLT FILZ AISNE DE MESSIRE NICOLAS ROVALVT SEIR DE GAMACHES ET DE
FRANÇOISE MANGOT ET SES PERE ET MERE

Me JACQVE BRIENCHON ET CHAe DE CE LIEV ET CHARLES DE LEENS TR 1615.

 

Enfin, voici l’inscription de la troisième cloche, plus petite que la précédente,
de quelques centimètres seulement :

CLAVDE NOMMEE SVIS REVERANT MONSIEUR SAINCT CLAVDE QUY A FAICT DES MIRACLES

EN TERRE ET EN MER ACEVLX QVIL LE REQVERENT PROPICE ET SECOVRABLE ESTANT

SVR TERRE OV MER AVLX PERILEVX DANGERS.

 

Cette cloche ne porte aucune date, mais elle est certainement contemporaine de sa voisine et sort du même atelier, comme l’atteste la forme des A à tête barrée,des N retournés, des E, tantôt onciaux, tantôt majuscules.

Une confrérie de la charité qui avait pour objet d’assister les associés à leurs derniers moments, de les inhumer et de prier pour eux après leur mort avait survécu à la Révolution. Fondée au xvi° siècle, elle ne fut supprimée qu’en 1815. Quelques paroisses picardes, telles qu’Huppy, possédaient des confréries analogues (i), nombreuses et florissantes surtout en Normandie (2). M. Darsy a publié les statuts de la
confrérie de Gamaches, approuvée par le pape Jules III, le 22 novembre 1554 et confirmée par l’évêque Nicolas de Pellevé, l’année suivante (3).

 

(1) Voy. : Huppy, ia Picardie H et M, tome III, arr. d’Abbeville, pp. 138, 139 et abbé LE SUEUR : les
Confréries de Charité dans le Ponthieu (extrait du Dimanche) Amiens, 1902, in-8°,pp 25-31.

12) E. VEUCLIN. Documents concernant les confréries de charité normandes, Evreux, 1892, in-8° et hfBART
DE LA TOUR. Les origines de la Réforme, la France moderne, Paris, [905, pp. 504 et suivantes.

(3) DARSY. Répertoire et appendice des histoires locales de la Picardie, dans la Picardie, tome XVIII, année
1873, pp. 557 et suivantes et tome XIX, année 1874, pp. 34 et suivantes.

 

La Picardie historique et monumentale. Tome IV, Arrondissement d’Abbeville. Seconde partie / Société des antiquaires de Picardie. Fondation Edmond Soyez ; [notices de É. Delignières, H. Macqueron, R. de Guyencourt, R. Rodière et P. Des Forts]

 

 

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