C’est un véritable désastre qu’ont provoqué dimanche 20 juin 1936 les orages dans la vallée dé la Bresle et sur la côte
Deux jeunes gens, réfugiés dans une hutte de bûcheron ont péri dans l’effondrement de leur abri Les eaux ont raviné les routes, envahi les cultures et causé d’importants dégâts à des établissements industriels.
Maintenant que la tornade a passé, on peut se rendre compte des dégâts qu’elle a causés. Ils sont immenses et on a d’autre part, à déplorer un double accident mortel.
Deux jeunes gens, des fiancés, qui étaient partis l’après-midi pour se promener, ont été surpris par l’orage, sur le territoire de Millebosc. Ils n’eurent que le temps de se réfugier dans une hutte de bûcheron, où ils se crurent à l’abri. Mais la fragile construction fut enlevée par les eaux et les deux fiancés, Mlle Gisèle Féramus, âgée de 19 ans, de Longroy, et M. Louis Gourlin, âgé de 20 ans, d’Incheville, furent écrasés sous l’éboulement de leur abri et noyés sous les flots du torrent qui avait emporté celui-ci.
Leurs parents et leurs amis crurent toute la journée qu’ils s’étaient éloignés et réfugiés dans un village voisin, mais ne les voyant pas revenir, on les chercha au début de la matinée.
Vers 8 h. 30, une femme de Millebosc, travaillant au bois et recherchant un traîneau qu’elle croyait emporté par les eaux, parvenait aux abords de la hutte effondrée. Des débris de celle-ci elle voyait deux pieds émerger de la paille.
Peu après les parents des victimes arrivaient à leur tour sur les lieux, et l’ouvrière leur faisait le récit de sa tragique découverte.
On dégagea alors les corps des infortunés jeunes gens, meurtris et à demi écrasés par la chute des matériaux. M. Gourlin, notamment, était enseveli sous un tronc d’arbre.
Le calvaire érigé a l’endroit ou le couple d’amoureux succomba (Croix du Fond des Boeufs)
Par ailleurs, les dégâts, causés par la tempête, le passage des eaux et la chute des arbres, sont extrêmement importants.
La fabrique de moyeux et roues libres de cycles Maillard, à Incheville, a été gravement endommagée, ainsi que la verrerie de Montréal, à Guerville, dont seul, le four a pu être préservé.
Le personnel de ces deux usines devra subir plusieurs jours de chômage.
La ligne Paris-Le Tréport n’a pas été épargnée par le passage de l’orage.
Les rails ne paraissent plus solides, car les eaux ont entraîné la terre et le sable du ballast.
Un service de pilotage par autocars a assuré la liaison entre Gamaches et le Tréport jusqu’au début de la soirée où le premier train Le Tréport-Paris a pu passer au ralenti.
La route de Gamaches à Eu est coupée par l’éboulement des collines avoisinantes et le terrain ainsi apporté forme des barrages imposants sur la chaussée.
Les chemins avoisinants sont dans le même état et notamment la route de la forêt d’Eu.
Par ailleurs, des torrents, qui se sont formés par suite de la chute continuelle de la pluie, ont raviné les routes.
Le sable des bas-côtés a été entraîné et les endroits de terrain friable ont été creusés en ravins de plusieurs mètres de profondeur parfois et au fonds desquels l’eau séjourne encore.
La circulation — tout au moins celle des autos — y est bien entendu devenue très souvent impossible et l’aspect des routes et chemins est plutôt chaotique.
Dans les localités, les hameaux, à Gousseauville et à Incheville, l’eau a inondé les caves et en certains endroits emporté les soubassements. • Dans les parties plus basses, le mobilier a été ravagé et détérioré.
Les jardins, les près, les basses-cours ont connu le passage de l’eau et restent par endroits encore inondés.
Beaucoup d’animaux ont péri, noyés, écrasés et emportés par les torrents.
Les basses-cours, notamment, sont vides.
Le service des Ponts et Chaussées a réuni des équipes de chômeurs qui procèdent activement au déblaiement tandis que les pompiers de Gamaches, d’Incheville et des localités avoisinantes s’efforcent de pomper l’eau qui séjourne entore dans les caves.
Goussauville, les eaux ont entraîné les terres et creusé un ravin profond
Dans la vallée de la Bresle Entre Gamaches et Beauchamps, de place en place, le talus de la route 15 bis a été emporté.
A Bouvaincourt-sur-Bresle, la situation fut à un moment fort critique et ce n’est que vers 2 heures du matin qu’on parvint, en levant les vannes de l’usine exploitée par M. Delabie, à diminuer quelque peu la nappe d’eau lumineuse qui hier encore vers 14 heures, inondait les abords et les cours de l’usine.
A Saint-Quentin-la-Motte, le spectacle, dans le quartier de la rue de la Targette, est fort triste.
Les eaux descendant les pentes ont entraîné la terre arable des jardins, arrachant les légumes et se sont ruées au travers des immeubles vers les parties basses du village.
Cinq ménages de modeste situation méditent à l’heure actuelle sur l’ampleur des dégâts mobiliers qui ajoutent encore à la précarité de leur existence.
La récolte des légumes est en partie anéantie et c’est par douzaines qu’on a dû enterrer les poules et lapins noyés en quelques instants.
Sur Ault, Onival, les dégâts pour être moins conséquents n’en sont pas moins élevés.
Aujourd’hui, l’eau pétant retirée, c’est un véritable désastre a déplorer pour la ville d’Eu et le canton.
Évaluer les dégâts est difficile et sans crainte d’exagérer, il apparaît que ceux-ci peuvent s’élever à trois millions.
En effet, maisons, caves, jardins, fermes, voies de chemins de fer, rien ne fut épargné et le désespoir des habitants des quartiers inondés fait peine à voir.
Eu, la ferme du Gland, place Albert-Ier, a été envahie par les eaux déferlant de la cote de Saint-valéry, de la route d Abbeville et de la Croix-au-Bailly.
A Eu, la place Albert-I” et le quartier de la Basse-Chaussée sont dévastés.
L’eau descendit à flot de la route de Saint-Valery-sur-Somme, de la Croixau-Bailly, et de la route d’Abbeville, ne laissant rien sur son passage.
Un arbre entraîné par le flot descendit jusque sur la place Albert-I, et s’arrêta contre une barrière, près de la rivière de la Bresle.
La fonderie Casier fut la première envahie. Les moteurs électriques furent noyés, le bureau qui est un bâtiment en planches fut transporté par l’eau et les ateliers sont complètement inondés.
Rien que pour cette usine, les dégâts peuvent être évalués à 100.000 francs.
Au garage Citroën, appartenant à M. Gérard, qui se trouve au coin de la rue des Belge* les dégâts sont très importants. Les voitures se trouvant dans l’atelier sont inutilisables.
L’eau s’est retirés et laisse une épaisseur de boue qu’il faudra plusieurs jours pour enlever.
Le dépôt de l’Eco Essence est complètement couvert de boue.
A la ferme du Gland et à la ferme Eudoise, il y a encore actuellement un mètre d’eau.
Deux pompes sont en action depuis ce matin et vident les bâtiments et la cour.
Le bétail et les volailles sont noyés. Dans la chaussée, 40 maisons sont envahies par l’eau.
Place Albert-I », la route est défoncée; elle est complètement recouverte d’une épaisse couche de boue.
Dans les quartiers hauts de la ville, tout comme en juillet 1926, ce sont les rues de Verdun. Pasteur et le Champs de Mars qui furent envahis par l’eau.
Des mesures ont été prises pour le déblaiement des chaussées et des maisons.
Les pompiers travaillent sans arrêt depuis hier soir, aidés depuis ce matin par des équipes de chômeurs.
Sur la voie ferrée, ligne de Paris au Tréport, les travaux de déblaiement se poursuivent activement Depuis hier le trafic des trains est complètement arrêté.
Au moment où nous écrivons, une ligne sur deux est redevenue praticable.
Le ballast a été recouvert d’une couche d’eau de 40 à 50 centimètres.
Le bureau de poste a lui aussi fortement souffert.
J’ai lu cet article avec beaucoup d’intérêt.
Nous connaissons tous le drame mortel des deux fiancés en forêt d’Eu mais j’ignorais que ce « cataclysme » avait atteint un tel périmètre.
Super. Je reconnais ma photo.
oui belle photo,merci Francis
article fort intéressant . bravo
C’est un témoignage très poignant . Merci pour cet article très intéressant.