Beaucamps-le-Vieux le Cyclone du 10 août 1895

L’an dernier, le 20 août, nous parcourions les communes du Santerre, Mézières, Beaucourt et Villers-aux-Erables, qui, on se le rappelle, furent ravagées par un ouragan de grêle qui, en quelques minutes, amoncela ruines sur ruines.
Aujourd’hui, le même spectacle, quelque modifié cependant, s’est offert à nos yeux. C’est la commune de Beaucamps-le-Vieux qui,à son tour a été dévastée par un terrible cyclone.
Beaucamps-le-Vieux, joli village de 1,800 habitants est situé a 42 kilomètres d’Amiens, et à 10 kilomètres d’Hornoy, sur un plateau voisin de la vallée de la Bresle, c’est-à-dire à deux pas de la Normandie, dont on trouve une image dans les coteaux pittoresques qui avoisinent Beaucamps et Liomer. La culture est la principale ressource des habitants et les pommes à cidre entrent pour, une grande part dans ces ressources.
Il a suffi de quelques minutes pour que la ruine et la désolation soient semées dans ce riant village.
Hier, vers 4 heures, le ciel s’obscurcit peu à peu ; de gros nuages venant de la mer, c’est-à-dire du N,-O. s’amoncelèrent à l’horizon.
A 5 h 45 l’orage éclata. C’est alors que le terrible cyclone traversa Beaucamps de part en part en suivant une ligne dirigée du N.-O. au S.-E. Fort heureusement la largeur de cette ligne fut tout à fait restreinte, comme on le verra plus loin, sans quoi, la bourgade de Beaucamps n’existerait plus.
L’orage fut accompagné d’une pluie torrentielle, et qui plus est de forts gréions qui brisèrent vitres, pannes et ardoises. Une heure et demie après leur chute, certains grêlons pesaient encore 250 gr Naturellement, pommes, poires, fruits, récoltes, tout est à terre et complètement perdu.
Mais revenons aux dégâts causés par le vent.
D’abord l’église offre un spectacle peu ordinaire. Le clocher haut de 85 mètres environ a été littéralement enlevé, ainsi que les 3 cloches qu’il contenait II est venu s’abattre dans la cour de M.Blondel Stanislas qui est contiguë à l’église. Heureusement ce poids énorme est tombé à côté de l’habitation de M. Blondel qu’il eût infailliblement aplatie et peut être aurions-nous eu des accidents de personne à enregistrer, ce qui, hâtons-nous de le dire,ne s’est pas produit.
La malheureuse église n’est, pas seulement privé de son clocher, la toiture de la nef et du chœur a été enlevée, comme si l’on découvrait un pâté, et déposée presque délicatement dans le jardin du presbytère. Ce dernier bâtiment n’a souffert en aucune façon. Dans l’intérieur de l’église, aujourd’hui à ciel ouvert, c’est un amoncellement de poutres, plâtras, briques, impossible à décrire,
La maison d’école, voisine immédiate de l’église, n’a presque pas souffert de l’ouragan, du moins en ce qui concerne l’habitation. Cette dernière est surmontée d’un léger belvédère qui certes n’a pas la résistance qu’avait le clocher. il est resté intact. La toiture de l’école des filles a seule été enlevée et les cheminées renversées.
Voici maintenant les notes que nous ayons recueillies dans notre triste promenade à travers Beaucamps.
Rue Beuville. C’est la plus éprouvée, Elle est située derrière l’église et se dirige du côté du bois de Liomer. Toutes les maisons sont endommagées très fortement, quand elles ne sont pas détruites en entier. Le sol est jonché de débris de, toute nature, tuiles, pannes, ardoises, plâtras, éclats de bois, poutrelles, lattes,
branches d’arbres cassées, feuilles arrachées, etc., etc.
M. Dubos François boucher, a ses bâtiments complètement détruits. Dans ce décombres, une charrette toute neuve, sens dessus dessous.
M. Jules Leroux est également fortement éprouvé.
M. Gamard Onésime, cordonnier, enregistre également de grosses pertes. Sa maison d’habitation, presque neuve, n’a plus de toiture ; elle est dans la cour du voisin. Le bâtiment qui reste debout est comme disjoint.
M. Evrard, rentier, a retrouvé sa toiture à 80 mètres plus loin.
MM. Dubos Florent, Leroux Auguste, Descroicette Arthur, Tulle Nicolas, Tellier sont au nombre des plus éprouvés. Chez M. Desoroisette, on voit, dans la toiture d’une grange un pommier enfoncé ayant le tronc en l’air.
Dans la rue de l’Église, une grange appartenant à M Jules Leroux était à demi renversée. De crainte d’accidents, on se mit en devoir de l’abattre complètement, en la harponnant. Vers 8 heures elle s’écroula avec fracas, donnant une faible idée de ce qu’avait pu produire comme bruit le cyclone d’hier soir.
Dans cette rue citons comme fortement atteints les immeubles de MM.Tellier Léon et Deneux Arsène.
Le rue de la Gare est obstruée complètement, même pour les piétons, par une grange renversée en travers de la voie. Cette grange appartient à M. Leroux Flavien.
Rue de la Ville, M. Stanislas Leroux possède une immense remise actuellement à ciel ouvert.
M. Mercier-Maillet a dans ses divers herbages, environ 7,000 pommiers. La plupart sont déracinés, d’autres ont des branches cassées et sont plus ou moins détériorés. Toutes les pommes sont a terre. Dans les champs, M. Mercier avait 4,000 bottes de blé qu’il ne sait où retrouver.
Rue Minette, MM. Gamard Onézime et Tellier père ont leurs propriétés fortement endommagées.
Les herbages de M. Mercier Olive, maire de Beaucamps, sont ravagés, les pommiers tordus; le spectacle est navrant.
L’honorable maire possède encore rue Jean-Gille un magasin qui a été renversé.
Rue Sacqueville, M. Pierre Jaques Leroux, ancien maire,est sans nul doute le plus gravement atteint.Des granges toutes neuves,construites en briques, sont renversées.
Les toitures des maisons d’habitation, écuries, remises, etc., sont décollées entièrement. Les clôtures de murs en paillis sont couchées à terre.
Rue Jean-Gille un bâtiment ayant servi de salle d’asile et appartenant à M. Duplant est détruit de fond en comble, et obstrue la rue. Il en est de même du local voisin, où était installé un cercle pour les jeunes gens. On voit le billard émerger au milieu des briques.
Enfin, pour finir cette triste énumération, citons comme très atteints MM. Biobart-Lejeune,Jules Marchand,Alfred Mercier, Personne, cordonnier, Heuvin, épicier, etc., etc.
Dans le bois de Liomer, quantité d’arbres sont déracinés et beaucoup de branches sont cassées. Les fils télégraphiques ont été arrachés, tant sur la roule que sur la voie ferrée. Ce n’est que grâce à un travail de nuit opiniâtre que la ligne du chemin de fer a pu être libre pour les trains du matin.
Dans les villages des environs, les dégâts sont peu importants.

Le Progrès de la Somme, 12 août 1895

 

Un affreux cyclone,large de 300 mètres,et qui semblait de la famille de ceux des tropiques, le 10 août,au soir d’un jour étouffant,a passé dans la Somme,sur Beaucamps-le-Vieux
Si le bon Dieu voulait régler les questions d’un Parlement autrement que les petits sans-Dieu,il enverrait ce cyclone la purifier la Chambre des députés,et il n’en resterait que des morceaux.
A Beaucamps l’église résista, mais non le clocher,qui fut emporté , dit la Chronique Picarde, comme la simple casquette d’un particulier.
Les quatre bonnes Sœurs qui se trouvaient dans l’église doivent leur salut à ce qu’elles se sont réfugiées au fond de la nef, près de la porte d’entrée,et ont été l’objet d’une protection visible.
Une poutre , détachée de la toiture de l’église , a été lancée comme une flèche dans une maison voisine. Entrée par une fenêtre , elle est sortie par une autre .
Une toiture de maison a été transportée à trois cents mètres.
Un arbre de grande taille , arraché, a été transporté à cinquante mètres, et est venu se planter comme un bélier dans une toiture, qui s’est effondrée sous le choc .
Deux noces se célébraient ce jour- là . Dans l’une,les convives étaient déjà à table,lorsque la toiture de la maison qui les abritait a été enlevée, et les tuiles,les ardoises , les vitres venaient tomber sur la table, forçant les assistants a se réfugier dans les pièces voisines .
Dans l’autre,le bal commençait et les danseurs n’eurent que le temps de fuir. Quelques instants après, la maison s’écroulait.
Ce jour-là , ce fut une valse des maisons et des clochers, et on admire qu’en un pareil cataclysme,il n’y ait pas une victime . C’est un avertissement.
Mgr Renou a été des premiers sur le lieu du sinistre pour porter aumônes et consolations.
La ruine est considérable.
Dans la campagne, les arbres fruitiers : pommiers,poiriers , jusqu’à plus de 7 kilomètres, sont réduits en miettes ou arrachés. Il ne reste pas un arbre de certains plants de 100 ou 150 arbres ; les grêlons,quoique pesant 300 ou 400 grammes , ne tombaient pas drus, et les récoltes sur pied ont moins souffert.
Il n’en est pas de mème des récoltes coupées, qui ne forment plus qu’une véritable litière .
La plus grande perte est celle des arbres fruitiers.
Tous les pommiers sont abattus,et le cidre était un des commerces importants de Beaucamps.
On peut,sans crainte d’exagérer,évaluer les dégâts totaux à 2 millions.
On fait de toutes parts appel à la charité.

A l’intérieur de l’église de Beaucamps.
La toiture est dans le jardin du presbytère.
A gauche (côté évangile ), l’orgue broyé . Sur l’autel , un lustre brisé.
A droite , la statue de saint Martin avec niche surmontée d’un clocheton , qui a été respectée.
A gauche,la statue de la Vierge dans la niche, dont le clocheton broyé par une poutre qui a respecté la statue.
Cette statue est cachée par la poutre;cette longue poutre,qu’on voit ici dans le sens de la longueur de l’église,était placée en large au-dessus des deux murs du chœur.
Le clocher a été renversé et les trois cloches fondues en 1822 (Inscription 1822) sont restées intactes .

Le Pèlerin du 20e siècle 1895

 

Mais l’orage le plus désastreux est celui du 10 août,que l’on désignera dans nos annales météorologiques sous le nom de «< Cyclone de Beaucamps- le-Vieux » (1)
(1) Il n’y a pas eu cependant de cyclone proprement dit, mais un très fort coup de vent accompagnant une dépression secondaire .

A Beaucamps-le-Vieux, l’eau tombe à seaux, vers 5 h . 1/2, lorsqu’un coup de vent , d’une violence inouïe , s’abat sur le village , enlevant tout ce qui offre quelque résistance , et faisant rage avec un crépitement de mitraille . Le ciel s’obscurcit complètement, tandis que d’énormes grêlons , « de formes bizarres » , hachent les arbres et les moissons . En trois minutes l’église est détruite en majeure partie ; le clocher s’effondre entraînant les trois cloches avec toute la charpente. La toiture d’une école voisine est enlevée d’un seul morceau , sur une longueur de 22 mètres . Soixante – dix constructions sont fortement endommagées dans les rues
Benville , de l’Église et Jean Gille , qui sont les plus atteintes : on ne compte pas les toits démolis , les pignons abattus , les murs lézardés . Dans les plants du village, il y a 6 300 pommiers, 1 200 cerisiers, 650 pruniers, 500 poiriers, 30 noyers, soit un total de 8 680 arbres fruitiers déracinés ou broyés. Ceux qui ont résisté au vent , sont « gaulés » , comme après la récolte des pommes à cidre .

Bulletin de la Société linnéenne du nord de la France Volumes 12-13 1895

 

Beaucamps-le-Vieux. Les dégâts de la tornade du 10 août 1895 une ferme dévastée. Des militaires s’affairent aux travaux de déblaiement et de reconstruction

 

 

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Une réflexion au sujet de “Beaucamps-le-Vieux le Cyclone du 10 août 1895

  1. Quillent.

    super intéressant. étant natif de Neuville coppegueule. je n ai jamais été au courant de ce cyclone. merci.pour cette publication et félicitations.

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